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Histoire - Page 2

  • Soyons plus précis dans le récit...

    Massello

    Superficie : 38,80 Km2
    Altitude : 1.195 m (chef-lieu)
    Hauteur minimale : 1.063 m
    Hauteur maximale : 3.037 m
    Distance de Turin : 71 Km
    Densité : 2,1 habitants/km2

    Massello occupe la partie nord occidentale du Val Germanasca ou de Saint Martin. De forme presque triangulaire, ses angles extrêmes sont dessinés par : le Bucìe (2.998 m) vers le sud, le Grammuel (2.977 m) vers le nord, le débouché du Germanasca dans le Chisone, entre Pomaretto et Perosa Argentina, vers l'est.

    La commune de Massello est limitée à occident par la commune de Pragelato, au nord par celles de Fenestrelle et de Roure, à l'est par celle de Perrero et au sud par celles de Salza et de Prali.

    Le Vallon est parcouru par le Germanasca de Massello, qui jaillit des sources situées sous le Col du Pis et qui, à une altitude de 2.000 m, forme la belle cascade du Pis puis qui, arrivé à la vallée, se jette dans le Germanasca de Prali, un peu avant le bourg de Perrero.

    Trois vallons latéraux s'ouvrent sur le vallon principal: sur la droite hydrographique, aux alentours de Balziglia, le vallon de Ghinivert, sur la gauche, entre les bourgades de Gros et de Petit Passet, le vallon du Rabiur, puis celui de Culmian entre les bourgades Raynaud et Roberso. Chacun de ces vallons est traversé par un ruisseau, qui en emprunte le nom et se jette dans le Germanasca.

    Tout comme pour les autres communes montagnardes du Val Germanasca, l'économie de Massello repose (ou plus exactement reposait) sur l'élevage des moutons et sur l'agriculture. Seigle, pommes de terre et foin sont les principaux produits provenant du travail de la terre. Le beurre, la tome et le "seirass" dérivent par contre de la production laitière. L'élevage des veaux a revêtu une certaine importance.

    Le territoire se caractérise donc (ou plus exactement se caractérisait) par des prés cultivés (ceux de Culmian sont particulièrement suggestifs) et des bois (surtout des mélèzes, des hêtres et des bouleaux).

     

    Les activités minières d'extraction de talc et (il y a très longtemps) de la pyrite (minière du Beth) qui ont désormais disparues, complétaient à cette économie de subsistance. L'activité des bûcherons avait également son importance.

    Pour finir, signalons la présence, sur le territoire de Massello, de fascinantes incisions rupestres (par exemple celle de l'Élan dans la région de Lauzun).

     

    Balsiglia après l'inondation de 1908 (Note de Doriane : village et année de naissance de ma grand-mère paternelle)

    L'histoire

    Bien qu'elle soit excentrée et que la densité de sa population soit faible, la commune de Massello occupe une place essentielle dans l'histoire vaudoise et dans les guerres pour la liberté de conscience menées dans les vallées, une place qui, au XVIIe siècle, lui valut une renommée européenne liée à deux circonstances particulières que nous rappellerons ici.

    L'origine de son nom dérive probablement de la tribu des "Magelli" qui, de la plaine de Pinerolo, a du s'avancer jusqu'à l'extrémité occidentale du Val Saint Martin (actuel Val Germanasca) pour exploiter les pâturages et le bois.

    dérive probablement de la tribu des "Magelli" qui, de la plaine de Pinerolo, a du s'avancer jusqu'à l'extrémité occidentale du Val Saint Martin (actuel Val Germanasca) pour exploiter les pâturages et le bois.

    Nous ne savons que peu de choses sur les premiers siècles de la "ville de Massello".

    Son nom n'apparaît de façon certaine qu'en 1347, lorsque les comtes de Savoie réussirent à acquérir auprès de Guillaumin de Saint Martin, une grande partie de la vallée qui comportait les villes de Balziglia et de Massello, destinées à devenir les deux centres habités plus importants : le premier était probablement de nature pastorale, et le second surtout agricole.

    Les anciens habitants furent soumis aux différentes familles qui dominèrent la vallée : à l'Abbaye di San Verano (ou Saint Véran), près de Pinerolo, pour les alpages du Pis, de Lauzun et de Rabiur (v. alpages), aux Saint Martin d'abord, aux Trucchetti ensuite, et aux Vibò, qui furent les seigneurs de la vallée, plus ou moins dès le début du XVIe s.

    Mais ce dont nous sommes certains c'est que, vers la moitié du XVe siècle, dans la vallée de Saint Martin, commençaient les premières persécutions documentées contre les Vaudois et les premiers bûchers étaient allumés ... et les procès pour hérésie, comme affirme Gabotto, " démontrent irréfragablement que vers la moitié du XVe siècle, il y avait déjà des Vaudois au Val Saint Martin".

    Tandis que pour ce qui concerne les persécutions de 1560-1561 et de 1655, Massello a eu tout compte fait un rôle assez marginal, ce qui n'a pas été le cas pour les guerres de 1686 et de 1689-1690.

    La Balsiglia. Gravure ancienne extraite de "Beattie" 1838. .

    C'est avec ces deux circonstances, parmi les plus tragiques de l'histoire vaudoise, que le nom de Massello s'inscrit dans l'histoire, en tant que personnification, si l'on peut dire, de l'héroïque esprit de résistance, de courage et de foi, du peuple vaudois tout entier. C'est pourquoi nous croyons qu'il est utile de rappeler avec simplicité les deux évènements dont ce vallon alpin fut le théâtre (et desquels il peut être fier).

    Qu'il nous soit donc permis de rappeler brièvement les faits qui s'y rapportent directement, afin de mieux comprendre la grande importance stratégique qu'a eue Massello dans le passé.

    Après la révocation de l'Édit de Nantes, le roi de France, allié de Victor Amédée II, Duc de Savoie, décida de chasser les Vaudois de leurs vallées. Le général Catinat fut chargé de cette opération au Val Saint Martin.

    Entre le 22 avril et le 1e mai de l'an 1686, environ 4.000 dragons français avaient lancé leur attaque dans la basse vallée de Saint Martin tandis qu'autant de soldats du Duc de Savoie, avec une furieuse ardeur destructrice, attaquaient Angrogne en Val Luzerne.

    Le 28 avril, un dimanche, toute la population de la vallée de Saint Martin, ainsi que celle du Val Pellice, s'était rendue pour avoir la vie sauve : sauf la communauté de Massello, obstinément décidée à résister et à se défendre jusqu'à la mort.

    La Balsiglia pendant l'attaque - gravure ancienne extraite de "Beattie"

    Le colonel Catinat conduisit personnellement 2.000 hommes contre ces derniers obstinés de la foi et de la patrie, réfugiés sur les contreforts escarpés qui dominent Balziglia, en les attaquant sur trois flancs simultanément. Pendant toute la journée du 3 mai, il tenta en vain d'en finir avec ces intrépides, réfugiés "sur une montagne imprenable surnommée le Château". Après cet échec, Catinat se retira aux Chiotti et chargea le Colonel De Magny de la poursuite des opérations.

    Le siège de la Balsiglia.

    Ce dernier, à la tête de 600 soldats d'élite, attaqua les Vaudois en quatre points différents : mais il essuya lui aussi un échec qu'il dût avouer à son général.

    Ainsi, pour sauver sa réputation, Catinat prit la route de Balziglia pour la seconde fois, décidé à en finir une fois pour toute avec ces obstinés. Mais la pluie et un brouillard épais enveloppaient le Pelvu et le contraignirent à faire marche arrière et à reporter sa vengeance à des temps plus propices. Celle-ci put s'accomplir le 17 mai, lorsqu'avec 550 hommes soigneusement choisis, il prit pour la troisième fois la route de Massello, avec la ferme intention de dénicher et d'anéantir ces valeureux combattants.

    Il resta deux jours sur les lieux, et réussit à surprendre d'en haut cette poignée de vaillants et à attaquer de tous côtés la position défendue par les Vaudois qui ne purent trouver aucun refuge. Ils furent tous massacrés : les hommes, les femmes et les enfants, environ 60 personnes. Il n'y eut qu'un seul prisonnier qui fut pendu sur l'ordre de Catinat. Tout était donc fini. Et Catinat, qui au début de juin se trouvait encore aux Chiotti, pouvait finalement se rendre à Casale, où l'attendaient ses devoirs de commandant général de toutes les troupes françaises en Italie.

    Quatre ans après, Massello se trouve de nouveau au centre d'événements guerriers mémorables, dont on peut lire les détails dans le livre d'Arnaud, intitulé "La Glorieuse Rentrée". Il s'agit de l'épisode le plus héroïque de l'histoire vaudoise et de l'un des plus connus. En voici quelques traits essentiels.

    De retour dans leurs vallées après deux ans d'exil en terre helvétique, les Vaudois furent de nouveau attaqués par les troupes du Duc de Savoie et par les Français aussi bien dans le Val Pellice que dans le Val Saint Martin. Au mois d'octobre 1689, à l'approche de l'hiver, un groupe d'un peu plus de trois cents individus se réfugia sur la hauteur rocheuse surnommée le Château, qui domine Balziglia. A cause du froid intense et de la neige tombée au début de novembre, les Français se retirèrent à Perosa et à Pinerolo tandis que les Vaudois se mettaient fiévreusement à fortifier l'arête qui, du Château, s'élève jusqu'au Bric de l'Autin.

    Les tours de garde et les incursions en Val Queyras et dans le Dauphiné dans le but de se procurer des approvisionnements pour l'hiver qui arrivait précocement, s'alternaient à ce travail massacrant. Le soutien moral et spirituel était assuré par chef militaire Henri Arnaud.

    Le 29 avril de l'an 1690, le futur maréchal de France, Catinat, comme nous l'avons vu, connaisseur des lieux et confiant en une victoire facile, partit de Pinerolo pour Balziglia. Le 2 mai, à la tête de 4.000 hommes, il attaqua les 370 rescapés Vaudois : mais il fut repoussé au milieu d'une tempête de neige en perdant 200 soldats et 20 officiers ; du côté des Vaudois, un seul blessé.,

    (Note de Doriane : La légende folklorique raconte qu’un vaudois, le fameux Tron-Poulat, dans sa fuite, lâcha son précieux chaudron pour polenta, déclenchant une avalanche qui décima les troupes de Catinat)

     

    S'étant retiré à Pinerolo après cet échec, Catinat confia à De Feuquières la mission d'anéantir "cette canaille". Dans ce but, le nouveau commandant fit ouvrir des routes pour transporter des canons, estimés nécessaires pour démanteler les misérables fortifications des assiégés.

    Et le 22 mai, lorsque tout fut prêt, les 5 canons commencèrent à gronder avec les espingoles, les fauconneaux et les arquebuses de plus de 4.000 Français. Le Château et les retranchements suivants furent forcés d'en bas tandis que les dernières positions fortifiées par les Vaudois furent occupées d'en haut ; à la fin d'une journée très dure, les Vaudois furent contraints vers le centre de l'arête, sur ledit "Pain de Sucre" (Pan di Zucchero).

    Le soir même, De Feuquières, enivré par le succès, et anticipant les événements, écrivit : "... le roi est Maistre de tous les retranchements de cette canaille", comme l'avait déjà appelée Catinat avec mépris auparavant. Comme en d'autres circonstances survenues pendant sa longue lutte pour l'existence, grâce à un brouillard providentiel qui précipita et augmenta l'obscurité de la nuit, grâce à la présence du capitaine Tron-Poulat, originaire de ces lieux, grâce aussi peut-être au relâchement de la surveillance d'un ennemi orgueilleux et trop persuadé d'avoir piégé définitivement ces montagnards entêtés, ladite canaille réussit miraculeusement, à la faveur de la nuit, à filer en douce à travers les mailles de la surveillance française, mortifiant ainsi le marquis De Feuquières, de la même façon qu'elle l'avait fait trois semaines auparavant avec l'illustre Catinat.

    Les Vaudois étaient saufs, le Duc était en train de changer de politique et passait à la Lega di Augusta contre la France de Louis XIV.

    Le siège des Vaudois sur les monts de Balziglia a toujours été considéré comme un évènement d'une extraordinaire importance politique et d'une gloire militaire incomparable. Qu'une poignée de moins de 450 hommes ait pu résister en plein cœur de l'hiver, au-dessus de 1.500 m d'altitude, dans un pays complètement détruit et bloqué de toute part par l'ennemi, puis échapper à une double attaque de la part des troupes les plus endurcies et les mieux armées d'Europe en n'accusant que peu de pertes (troupes dix fois supérieures en nombre et guidées par les meilleurs généraux de France), a toujours été jugé comme un fait exceptionnel et digne d'une gloire impérissable. C'est pour cela que le nom de Balziglia est passé dans l'histoire, tout comme le Col des Termopili (Note de Doriane : Tiens donc, nous y revoilà ! Passant, va dire à Sparte que nous sommes tous morts ici pour obéir à ses lois. (Inscription sur le tombeau des 300 Spartiates et de leur roi Léonidas, trahis par Ephialte, tombés jusqu'au dernier sous les coups des troupes perses de Xerxès au défilé des Thermopyles, 480 av. J.C.)) ou comme le Rocher de Montségur.

    Les évènements survenus après dans la commune de Massello sont eux-aussi importants mais ils pourront être approfondis en lisant les deux textes desquels nous avons extrait (presque copié) cette synthèse, c'est-à-dire : T.G. Pons, Massello, Claudiana, 1958 et T.G. Pons, Massello nella storia valdese (Massello dans l'histoire vaudoise - n.d.t.), Pro Valli, s.d.

    Nous nous limiterons à rappeler, pour ce qui concerne Massello au XVIIIe siècle, l'occupation des troupes françaises, au temps de la guerre de succession espagnole, et la constitution de la "Repubblica del Sale" en Val Saint Martin, pendant laquelle les habitants purent pratiquer librement leur religion réformée (1704-1708).

    Durant l'épopée napoléonienne, la vallée connut des mouvements de milices paysannes pour la défenses des cols de frontière.

    Après la concession des droits civils aux Vaudois, avec les lettres patentes de Charles-Albert en 1848, la population de Massello participa avec les autres italiens aux affaires de la patrie commune. Les plaques commémoratives apposées sur la façade de l'antique presbytère pour célébrer les soldats tombés pour la commune, témoignent de la contribution de la bourgade Reynaud aux deux guerres mondiales du siècle dernier.

    Au cours des années de la Résistance, le Vallon a été le théâtre de plusieurs opérations militaires et de ratissages ayant coûté la vie de civils et de partisans, parmi lesquels Enrico Gay et Dario Caffaro, tombés aux bergeries de Ghinivert.

     

    D’après http://www.comune.massello.to.it/

     

  • Petite histoire des origines d'un pur athée (voire d'un pur raté?)

     

     

    Les Vaudois

    (Résumé de l'Histoire de l'Eglise Vaudoise)

     

     

    1) Les origines et les premières répressions

    2) Le refuge piémontais

    3) 14e siècle et début du 15e siècle : Inquisition, répressions, adhésion à la réforme

    4) 15e siècle :La contre réforme, procès et massacres

    5) La peste de 1630

    6) Fin du 16e siècle : le paroxysme de la répression. Les Pâques piémontaises

    7) La débâcle et l’exil après la Révocation de l'Edit de Nantes (1685)

    8) La Glorieuse Rentrée

    9) Le Ghetto, dernières brimades, début d'une lente et difficile reconstruction

    10) Le 19e siècle : Vers l'émancipation

     

     

     

    Les lignes qui suivent sont empruntées dans une large mesure du livre de Georges TOURN : "Les Vaudois - L'étonnante aventure d'un peuple-église". C'est un résumé succinct d'avantage tourné vers les aspects historiques que religieux et théologiques.

     

     

    1) 12ème et 13ème siècles : Les origines et les premières répressions

     

     

    Le mouvement des Pauvres de Lyon fut fondé aux environs de 1170 par un riche marchand de Lyon, Pierre Vaud (ou Valdo) qui donna son nom de "Vaudois" au mouvement (qui n'a donc rien à voir avec le canton de Vaud en Suisse). Valdo décida d'abandonner ses biens pour vivre dans la pauvreté et la perfection évangélique, et regroupa bientôt autour de lui une petite communauté qui se voulait semblable à celle des apôtres. Les Vaudois veulent à la fois rester des laïques associés à la vie de leur ville et prêcher, non pas pour enseigner de nouvelles doctrines mais pour exhorter leurs concitoyens à une vie authentiquement chrétienne, à la repentante et à la pratique des bonnes œuvres. D'abord accueillis favorablement, les Vaudois allaient bientôt se heurter à l'église, sur le droit à la prédication et à la lecture de la bible en langue vulgaire. Quant le moment arrive où la hiérarchie leur interdit toute activité laïque susceptible d'échapper à son contrôle, Valdo et "les Pauvres" refusent d'obéir. Expulsés de Lyon, non condamnés mais suspectés, ils partent poursuivre leur mission vers le Languedoc, entrent en contact avec la dissidence Cathare et se heurtent à elle en déployant une grande activité polémique. Les idées de Valdo se répandent en Occitanie, sur les terres de l'Empire et en Lombardie. Confronté aux positions de plus en plus radicale du mouvement, le pouvoir ecclésiastique décide de le liquider comme les autres dissidences. Au milieu du XIIIème siècle, mis hors la loi, le Valdéisme est contraint de quitter les agglomérations urbaines pour s'établir dans des régions rurales. Dès lors et dans toute l'Europe, l'Inquisition va s'acharner sur les Vaudois. Vaudois devient même synonyme de sorcier et Vauderie de sorcellerie (Jeanne d'Arc fut ainsi condamnée comme "vaudoise"). Malgré cela, fidèles à leur devise "Lux lucet in tenebris", les communautés vaudoises parviennent à se maintenir, par exemple dans "le bastion des Alpes".

     

    2) Le refuge Piémontais

     

    Les Vaudois trouvèrent des conditions de vie très favorables dans les vallées qui s'ouvrent au sud du Montgenèvre, de part et d'autre des Alpes Cottiennes. Cette zone, qui allait devenir le seul refuge de l'église Vaudoise, ne fut d'abord qu'un des nombreux territoires visités par les missionnaires et propagandistes vaudois. Sans être située à l'écart du monde puisque traversé par la grande voie de communication du Montgenèvre reliant la Provence et la Lombardie, le territoire des Alpes Cottiennes se trouve à la périphérie des zones stratégiques de la carte politique européenne de l'époque. De plus il est politiquement divisé entre le Dauphiné, fief impérial passé sous domination française au XIVème siècle, et les domaines de l'abbaye de Pignerol ou de la famille de Luserne qui seront rattachés au duché de Savoie. Il dépend des évêchés de Turin et d'Embrun dont les limites ne coïncident pas avec les frontières politiques. Les vallées formaient cependant une région culturellement homogène, par la langue, les us et l'économie et avaient été dépeuplées par les invasions sarrasines. C'était donc un lieu de refuge idéal pour des dissidents cherchant à se soustraire à l'Inquisition.

     

    3) 14ème siècle et début du 15ème : Inquisition, répressions, adhésion à la réforme

     

    Mais les papes ne peuvent tolérer un foyer d'hérésie aussi dangereux, à proximité de leur nouvelle résidence en Avignon. Benoît XVII, ancien inquisiteur du Languedoc, intervient auprès des évêques d'Embrun et du dauphin Humbert II et les inquisiteurs multiplient de la deuxième moitié du XIVème siècle jusqu'à la fin du XVème, les procès, arrestations, confiscations de biens, condamnations au bûcher. Il y a cependant des accalmies relatives dans cette persécution quand l'attention de la cour d'Avignon est retenue par le mouvement hussite en Bohème ou quand en 1475 Louis XI, dans sa politique antiféodale, prend la défense du petit peuple dauphinois (qui par reconnaissance appelle une des vallées la Vallouise). Dans les années 1487 à 1489, la répression, dont le caractère se fait de moins en moins théologique et de plus en plus fiscal, dans un climat de corruption et d'intérêts opposés, s'intensifie quand Charles Ier, fils de Louis XI déclare la guerre aux Vaudois. Les armées qui s'affrontent, principalement dans la vallée d'Angrogne, sont un ramassis de soldats mal armés face aux manants vaudois aussi mal armés mais prêts à tout. Avec l'intervention du gouverneur de Savoie qui agit avec le consentement du roi de France Charles VIII et du pape Innocent VIII, la répression prend l'ampleur et la cruauté d'une véritable croisade. Une bataille ouverte à Prali, près de Perrero, oblige les assaillants à se retirer, mais les combats continuent se poursuivent sur le versant français avec le massacre de 3000 Vaudois ayant trouvé refuge dans la grotte de la Balme-Chapelue. Les rescapés sont contraints d'abjurer. Tous ces événements dramatiques n'empêchent pourtant pas les Vaudois de continuer au début du XVIème leur action de propagande notamment en utilisant l'imprimerie inventée depuis peu pour imprimer la première bible en langue vulgaire. C'est à cette époque également qu'ils vont se rapprocher du mouvement que Luther vient de lancer en envoyant plusieurs de leurs barbes en missions exploratoires en Suisse et en Allemagne. Cela aboutira en 1532, lors du synode de Chanforan à Angrogne, à l'adhésion à la Réforme.

     

    4) 15ème siècle : La contre réforme, procès et massacres

     

    La propagation de la réforme dans le Piémont va être favorisée par l'éclatement du duché de Savoie, occupé par les Français en 1536. Protégés à l'intérieur et appuyés de l'extérieur par les Suisses et les princes protestants allemands, les Vaudois transforment leurs vallées en une sorte de zone de sécurité et une base d'action pour le mouvement réformé piémontais. L'organisation des églises protestantes et, à partir de 1555, la construction des premiers temples à St Laurent d'Angrogne, à La Tour, à Rocheplate, à Villesèche et à Prali sont le résultat de cet élan missionnaire nouveau que la répression déclenchée par les parlements de Turin et de Grenoble n'est pas en mesure d'arrêter. Les prédicateurs et colporteurs vaudois qui distribuent livres et opuscules sont pourtant activement poursuivis et souvent arrêtés pour être ensuite voués au bûcher. C'est le cas du français Barthélémy Hector, qui sur les hauteurs de Riclaret, tombe entre les mains des Trucchieti, seigneurs du Perrier (Perrero) en 1557. Dans d'autres régions, la répression sera beaucoup plus féroce : en Provence c'est le massacre de 2000 Vaudois du Lubéron à Mérindol (et l'envoi de 700 d'entre eux aux galères) et en Italie du Sud, l'éradication totale à partir de 1561 de la colonie vaudoise de Calabre dont les membres sont massacrés ou vendus comme esclaves aux Maures, un endoctrinement implacable par les jésuites se chargeant de convertir les survivants.

    En 1559, la France et l'Espagne signent la paix de Cateau-Cambrésis : l'Empire est divisé, les rois de France faibles et c'est l'Espagne catholique de l'intransigeant Philippe II de Habsbourg qui sort gagnante ; le traité marque l'engagement de reconquérir l'Europe à la foi catholique romaine. Emmanuel Philibert de Savoie qui rentre dans ses états ravagés ne peut que s'aligner sur la politique espagnole et prend des mesures répressives mais surtout à l'encontre des petites communautés isolées de la plaine. Aux paysans vaudois des vallées, bien organisés et qu'il n'a pu vaincre par la campagne militaire de 1560-1561, il doit concéder le traité de Cavour (5 juin 1561) par lequel il les autorise à célébrer des cultes publics dans les localités les plus éloignées de la plaine (Angrogne, Villesèche, Les Coppiers).

    C'est en effet en grande partie à sa situation politique et géographique que la zone vaudoise doit de pouvoir résister à la très forte pression de la Contre-Réforme : territoire de montagne peu peuplé, difficile à contrôler, région de frontière sous la menace d'une invasion française, adossée au Dauphiné, coincée entre le marquisat de Saluces et le val Pragela (haute vallée du Cluson) tous deux sous la domination française, les vallées vivent des années de tranquillité relative. Les guerres de religion qui déchirent la France ne produisent que des effets marginaux. L'équilibre est pourtant fragile. En 1588 Charles Emmanuel de Savoie conquiert le marquisat de Saluces, provoquant un exode des réformés vers les vallées vaudoises, le Dauphiné ou vers la nombreuse colonie piémontaise de Genève. Inversement, Lesdiguières gouverneur du Dauphiné envahit Pignerol, Cavour et les vallées vaudoises qu'il contrôle pendant quelques années. Entre-temps les protestants ont définitivement conquis la vallée de Pragela puis réussissent à gagner au protestantisme le dernier vallon encore catholique des vallées vaudoises, celui de Pramol.

    La promulgation de l'Edit de Nantes en 1598 par Henri IV qui met fin à la guerre de religion en France fige du même coup la situation au Piémont.

     

    5) La Peste de 1630

     

    En 1630, la peste survient dans les vallées vaudoises. Les premières victimes meurent en mai, la maladie touche le Val Pélis en Juillet et se déchaîne avec une extrême violence durant l'été : morts s'entassant dans les rues, maisons abandonnées et pillées, récoltes, moissons et vendanges non faites, alternance de scènes de dévotion, cruauté, superstition et dévouement. La peste eut d'énormes conséquences sur la vie des Eglises Vaudoises. Tout d'abord, elle entraîna une importante diminution de la population, 8500 à 9000 victimes. Tous les villages situés haut dans la montagne furent abandonnés et transformés en alpages, des familles entières s'éteignirent. 11 des 13 pasteurs disparurent et les nouveaux ministres appelés d'urgence de Genève remodelèrent les églises sur le schéma genevois modifiant les traditions du modèle vaudois. Autre facteur important : l'abandon de la langue italienne autrefois en vigueur dans la vie des églises parce que correspondant au bilinguisme de la population et favorisant l'expansion de la Réforme dans le reste du Piémont. Les nouveaux pasteurs ne parlant que le français, celui-ci devint la langue officielle des Eglises Vaudoises et le resta jusqu'à la seconde moitié du XIXème siècle. Ce facteur renforcera l'isolement des Vaudois par rapport à leur entourage hostile.

     

    6) Fin du 16ème siècle : le paroxysme de la répression. Les Pâques piémontaises

     

    C'est dans la deuxième moitié du XVIème siècle de 1655 à 1690 que se situe la période la plus dramatique de l'histoire vaudoise. En France le parti protestant est affaibli par la chute de La Rochelle et la paix d'Alès de 1629 qui lui enlève les privilèges militaires et politiques obtenus par l'Edit de Nantes. L'église catholique a le monopole de l'enseignement et contrôle de fait la vie de chacun. Au Piémont la régente Christine, veuve de Charles-Emmanuel Ier, est d'une part la sœur de Louis XIII et par-là sensible à la politique française, d'autre part la belle sœur du roi d'Angleterre Charles Ier qui vient d'être exécuté par la révolution puritaine. Comme tous les monarques catholiques, elle pense que la répression devient une nécessité historique.

    Dans les vallées, les incidents se multiplient. Les Eglises du Pragela rattachées au Dauphiné sont les premières frappées, les Jésuites et le prieur de Mentoulles obtiennent la restitution des lieux du culte, des biens ecclésiastiques et le paiement des dîmes. Les contingents de troupes s'amassent les troupes ducales comptent 4000 hommes renforcés des milices communales. Leur chef le marquis Pianezza impose aux Vaudois de loger ces troupes. Mais l'occupation des villages dégénère rapidement en un véritable massacre, épisode connu sous le nom de "Pâques piémontaises". Le 24 Avril 1655, les troupes ducales prennent d'assaut le Pra de la Tour où la population s'est réfugiée et le mettent à sac. Les villages de Villar et Bobbi sont à leur tour réduits à des tas de ruines dans les jours suivants. Les mêmes scènes se répètent identiques partout : on massacre les populations, on la torture avec sadisme, les rescapés se réfugient dans la montagne et tentent d'organiser la résistance comme Josué JANAVEL qui retient quelques jours les assaillants de Rora. Mais la campagne de Pianezza se poursuit sans pitié : après la chute de Rora il se dirige vers le val Cluson. Le gouverneur français de Pignerol permet aux Vaudois pourchassés de se réfugier sur les terres françaises dans la vallée de Pragela. Le 8 Mai toute la vallée du Val Germanasca fait acte de soumission et Prali se rend le 10 Mai. LEGER, l'un des chefs Vaudois, réfugié en France annonce à l'Europe protestante que le bastion vaudois est tombé et il parvient à mobiliser l'opinion et à susciter les protestations des états protestants comme l'Angleterre. La lutte continue avec le renfort de volontaires huguenots. rafles, pillages, embuscades se succèdent. JANAVEL gravement blessé doit se retirer tandis que JAHIER, chef de la bande de Pramol est tué. Le duc de Savoie doit pourtant céder à la pression internationale et des pourparlers s'engagent qui conduiront à un accord sous forme d'un édit ducal qui reconnaît le droit des communautés vaudoises à l'existence. Ces "Patentes de grâce" ne sont qu'un armistice pour rassurer l'opinion publique. Les Vaudois ont réintégré leur bastion mais restent sous la menace des catholiques. Ils subissent des violations constantes de l'accord : réquisition des terres, rapt d'enfants, procès. Cette pression vise à faire plier la résistance de la population ou provoquer sa réaction comme cela finit par se produire dans les vallées vaudoises. La situation se dégrade et aboutit à un soulèvement populaire. La guérilla se rallume, Janavel et ses bandes multiplient les coups de main contre les bourgs catholiques. La population civile déçue et fatiguée de supporter le poids de la guerre se désaffectionne des maquisards. Janavel et ses hommes sont priés de se retirer pour permettre la recherche d'une paix négociée. De nouvelles "Patentes" confirmant celles de 1655 sont publiées en 1664 ; elles n'excluent de l'amnistie générale que les "bannis" condamnés à l'exil. Janavel, l'ancien paysan, gère un bistrot à Genève tandis que Leger après avoir erré à travers l'Europe finira ses jours à Leyden où il édite en 1669 "L'Histoire générale des églises Evangéliques du Piémont".

     

    7) La débâcle et l'exil après la Révocation de l'Edit de Nantes (1685)

     

    En France, cependant, Louis XIV qui se veut grand champion de la chrétienté, a de plus en plus de peine à tolérer les protestants. Après des années de répression légales, de violences exercées par les trop célèbres dragons, Louis XIV en arrive en 1685 à la révocation de l'édit de Nantes. Les huguenots ne se soumettent pas et s'exilent dans les pays protestants, Hollande, Allemagne, Angleterre. La révocation s'étend naturellement aux possessions françaises cisalpines, Val Pragela et Val Cluson. Le culte protestant est interdit, les temples sont détruits ou reconsacrés au culte catholique. Un grand nombre de familles choisissent l'exil. En janvier 1686 le duc Victor Amédée II cédant aux pressions exercées par son oncle Louis XIV émet un édit bannissant les pasteurs, interdisant les cultes, imposant le baptême catholique de tous les enfants. Une nouvelle fois des troupes, les dragons français du maréchal Catinat basés à Pignerol, se préparent à intervenir. Les Vaudois hésitent entre l'exil et la résistance armée mais optent pour cette dernière solution. Catinat intervient et en une guerre éclair de trois jours anéantit les défenses vaudoises. Le 3 Mai 1686 c'est la capitulation. Les derniers résistants sont traqués et exécutés, tandis que les colonnes de prisonniers sont emmenées hors des vallées.

    La communauté vaudoise comptait environ 14000 âmes au début des hostilités : plus de 2000 ont péri, 8500 prisonniers remplissent les prisons piémontaises, les autres ont survécu grâce à l'abjuration plus formelle que réelle de leur foi. En effet, à peine les troupes se sont-elles retirées que les rescapés sortent de leurs caches et reprennent la guérilla selon la technique que Janavel leur a enseigné dans ses "Instructions militaires", série de conseils pratiques pour la défense des Vallées. Un nouveau compromis permettra aux rebelles de s'exiler avec leurs familles. Le duc de Savoie espère repeupler les vallées ainsi désertées en revendant les terres confisquées aux Vaudois à des agriculteurs catholiques. Mais il y a encore trop de Vaudois fugitifs qui rentrent chez eux et l'on ne peut se fier à ceux qui ont abjuré. Parmi les prisonniers acheminés vers Turin, c'est la décimation par la maladie, le froid et les mauvais traitements. Venise achète littéralement 2000 d'entre eux pour ses galères. D'autres connaîtront un sort similaire en France. Les reconvertis au catholicisme sont quant à eux destinés à aller peupler la région agricole de Verceil (Vercelli) dans la plaine du Pô.

    Que faire des récalcitrants ? Un premier édit ducal (9 avril 1686) envisage le bannissement, mais les vaudois refusent de partir. Un deuxième (janvier 1687) est obtenu grâce à une médiation suisse. Le Duc de Savoie concède l'expatriation aux prisonniers qui le désirent, en exigeant toutefois qu'ils soient dirigés vers les cantons du nord, non limitrophes de ses états et que les pasteurs restent comme otages à Turin.

    C'est ainsi que s'ouvre une des pages les plus douloureuses de l'histoire des Vaudois : la longue marche en plein cœur de l'hiver, par le Val Suse et le Mont Cenis, de centaines de rescapés des "camps de concentrations" piémontais, femmes, vieillards et enfants en route vers l'exil et la liberté. La première des 13 colonnes part le 13 Janvier 1687, la dernière arrive à Genève le 13 Mars. 2490 personnes sur les 2700 ayant opté pour l'exil parviennent à Genève. Les autres sont morts en route. Les Genevois accueillent fraternellement les réfugiés victimes de ce premier exil des Vaudois et qu'ils considèrent comme des martyrs. Malgré cela ils ne parviennent pas à s'intégrer ; ils ne rêvent que de revoir leurs vallées et font dès 1687 des tentatives de retour qui échouent.

     

    8) La Glorieuse Rentrée

     

    Cependant, le nouveau roi d'Angleterre, Guillaume III d'Orange le prince protestant hollandais qui a renversé Jacques II, réunit une coalition protestante contre Louis XIV. C'est dans ce contexte qu'il projette puis organise avec les Vaudois en exil une opération militaire pour ouvrir en Piémont un foyer de guérilla derrière les lignes de Catinat. Un corps expéditionnaire d'un millier d'hommes dont 60 % de Vaudois prépare soigneusement et clandestinement l'opération. A la mi-août 1689, le "commando" traverse de nuit le lac Léman et couvre les 200 km qui le sépare des vallées vaudoises à marches forcées et en empruntant un itinéraire peu fréquenté mais difficile. Cette marche, passée à l'histoire sous le nom de "Glorieuse Rentrée", est une des pages les plus connues de l'histoire des Vaudois. La surprise, la rapidité d'exécution et le trajet insolite permettent à l'expédition de ne pas être repérée par les troupes françaises. Un seul affrontement a lieu dans la vallée de Suze le 23 Août et se solde par une victoire vaudoise mais au prix de lourdes pertes. A l'approche de la troupe, les populations catholiques qui se sont installées dans les vallées abandonnent les villages pour se réfugier dans la plaine. Le Val Germanasca est libéré sans coup férir. Le corps expéditionnaire a perdu 30 % de ses effectifs, tombés aux mains de l'ennemi ou abandonnés en chemin pour ne pas ralentir la marche. Les rescapés s'organisent et rouvrent leur culte dans les temples libérés.

    Catinat tente bien d'éliminer les vaudois avant qu'ils ne s'installent solidement mais n'y parvient pas avant l'hiver et doit abandonner les bandes vaudoises à leur bastion sur les escarpements qui dominent le village de Balziglia (Basille) au fond du vallon de Masselo dans la vallée de la Germanasca. Les mois de guérilla et de solitude menacent de désintégrer la troupe, les huguenots français ont déserté, il ne reste que 300 Vaudois dont Henri ARNAUD prend le commandement. Le 2 Mai 1690 4000 dragons de France tentent de déloger les 300 maquisards retranchés dans la montagne. Après deux jours de combats furieux, acculés sur les hauteurs, les survivants attendent l'assaut final pour le lendemain, quand, à la faveur de la nuit et du brouillard qui par chance les masque à la vue de leurs adversaires, ils parviennent à se dérober et à se faufiler entre les lignes françaises.

    Quelques jours plus tard, un renversement inattendu de situation en faveur des vaudois se produit lorsque Victor-Amédée II de Savoie rompt son alliance avec la France pour passer dans le camp de l'Angleterre et de l'Autriche. Les vaudois sont saufs, les pasteurs peuvent enfin sortir de prison, les exilés rentrent d'Allemagne et de Suisse et la communauté bien que décimée se reconstitue. Le Piémont est maintenant sous l'influence de la diplomatie anglaise et le Duc se voit contraint de publier en 1694 un édit de tolérance qui garantit désormais l'existence des vaudois sur leurs terres.

     

    9) Le Ghetto, dernières brimades, début d'une lente et difficile reconstruction

     

    Les malheurs des vaudois ne sont pas finis pour autant ! Ce que des décennies de guerre n'avaient réussi à faire, la raison d'état de la maison de Savoie va le réaliser : en un peu plus de vingt ans, le monde protestant en Italie va perdre plus de 50 % de ses territoires et environ 60 % de sa population. Cela débute par la vallée du Cluson, dans laquelle s'étaient établies de nombreuses familles huguenotes notamment après la révocation de l'Edit de Nantes. Le traité de Ryswick (1697) rend le Val Cluson, conquis autrefois en 1630 par les français avec Pignerol, au duché de Savoie. Par une clause secrète, le Duc s'engage à expulser du territoire tous les réformés. Trois mille personnes, touchées par cette décision qui provoque le deuxième exil des Vaudois, devront s'installer en Allemagne où elles maintiendront jusqu'au début du XIXème siècle leur confession et la langue française. Dans la vallée de Pragela, la politique répressive reprend après le traité d'Utrecht en 1713 et se traduit par la limitation de la liberté de culte : interdiction des assemblées de plus de 10 fidèles, obligation en 1721 de baptême catholique des nouveau-nés et finalement en 1730 un édit prescrit à tous les habitants de la vallée de professer la foi catholique et interdit toute manifestation publique et même privée de la religion réformée. Du coup, malgré une résistance obstinée, des centaines de familles abandonnent la Vallée pour s'établir en territoire protestant spécialement en Suisse et aux Pays-Bas.

    Quarante ans après la "Glorieuse Rentrée", les Vallées vaudoises ne sont plus qu'un minuscule ghetto, isolé, replié sur lui-même. Les Vaudois s'efforcent pourtant à reconstruire leur monde : réunir les familles éparpillées par l'exil et les guerres, rebâtir les villages, reconquérir leurs champs sur les broussailles. La pression sur la communauté n'est plus militaire certes mais ne se relâche pas et un filet d'interdictions enserre les vaudois : restriction du nombre de communes où les religionnaires sont tolérés, interdiction des mariages entre catholiques et "hérétiques" sauf bien sur en cas de conversion effective de ces derniers, interdiction aux ouvriers et manœuvres de travailler de manière permanente pour les catholiques, défense faite d'enterrer leurs morts dans les cimetières catholiques et de les accompagner à plus de six personnes. Un organisme de prêts est créé pour permettre aux catholiques d'acquérir les terres des vaudois, ainsi qu'un "Hospice des Catéchumènes" pour éduquer les enfants vaudois qui abjurent. Des églises sont construites en territoire vaudois pour des paroisses catholiques, parfois réduites au seul curé. Les catholiques même minoritaires se voient attribuer la majorité dans les conseils communaux. En réponse à cette politique répressive, la communauté protestante européenne aide les Vaudois en envoyant des fonds pour permettre l'éducation des enfants dans les vallées et à l'étranger.

     

    10) Le 19ème siècle : Vers l'émancipation

     

    Les Vaudois voient enfin leur horizon s'éclaircir avec la révolution française puis l'Empire napoléonien. Le ghetto disparaît. Les lois leur reconnaissent le droit de professer leur foi sans discriminations, d'acheter les terres qu'ils ont défrichées pendant des siècles comme domestiques. Leurs enfants ne seront plus enlevés pour être élevés dans la religion catholique. Les biens des églises catholiques sans fidèles sont attribués au culte protestant et les pasteurs deviennent des fonctionnaires d'état !

    Avec la restauration du royaume de Piémont-Sardaigne, une nouvelle période de brimades s'installe : ainsi le temple de St Jean doit être caché par une palissade pour ne pas offenser les catholiques de la bourgade ! Cependant le plus dur est passé pour les Vaudois, l'inévitable libéralisation gagne du terrain. En quelques dizaines d'années Charles Beckwith, un ancien officier anglais parvient à faire de la communauté des vallées Vaudoises, une petite nation "autonome" indépendante avec ses caractères spécifiques, au sein du monde protestant européen. Il réussira à doter chaque bourgade vaudoise d'une école.

    Le 17 Février 1848, les Lettres Patentes rendent aux populations vaudoises les droits civils et politiques en leur donnant les mêmes droits qu'à tous les citoyens du royaume : droit à l'étude, à l'exercice de toutes professions, à l'achat de terres. Après des siècles de persécutions, l'événement est accueilli dans la liesse et l'enthousiasme, même s'il faudra encore longtemps pour que l'égalité décrétée deviennent réalité. La date du 17 février est depuis celle de la fête annuelle des Vaudois. C’est grâce à cette émancipation, qu’à partir du milieu du XIXème siècle les Vaudois ont pu commencer à quitter leur vallées et à émigrer pour se répandre dans le monde : en France notamment autour de Marseille, aux Amériques (Uruguay, Argentine, USA) ou plus exceptionnellement en Algérie.

     

    D’après http://perso.wanadoo.fr/jf.peyronel/index.htm