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Histoire

  • Le Pen vs Démocratie...

     

    Le Pen : “Vous êtes un matamore, un tartarin, un bluffeur!”
    Tapie : “Ce n’est pas parce que vous avez une grande gueule et que vous criez fort…”
    Le Pen : “Mais soyez poli, vous êtes sorti des bas-fonds, on le sait”
    Tapie : “Ce n’est pas parce vous affirmez fort quelque chose que c’est vrai, parce que vous dites N’IMPORTE QUOI!”

     

     

    L'histoire se reproduit pour le meilleur et parfois pour le pire... Alors faites du bruit dans les urnes dimanche pour la République et la Démocratie!

    Doriane Purple

     

     

  • Contraste de couleurs...

    Un noir à la Maison-Blanche

    "Interview

    Selon Pap Ndiaye, historien spécialiste des questions relatives aux populations noires en France et aux Etats-Unis, l'élection de Barack Obama est un symbole positif mais ne signifie pas que les inégalités entre Blancs et Noirs vont disparaître.

    45% seulement des Blancs ont voté pour Obama. C’est une sorte d’échec pour lui?

    Non, parce que c’est un score archi-normal pour les démocrates qui sont élus, que ce soit Carter, Clinton ou Obama. Si le chiffre avait été supérieur, ça aurait été une révolution.

    Quel est le statut de la question raciale aux Etats-Unis après cette campagne et cette élection ?

    Cette élection est une bonne nouvelle pour les relations raciales aux Etats-Unis. Qu’un homme qui est considéré comme noir soit élu, c’est tout de même remarquable. Mais les inégalités - qui s’accroissent par ailleurs - ne sont pas que de classes, qu’entre riches et pauvres. Il y en a aussi entre Blancs et Noirs, en termes d’éducation, d’accès au travail et aux soins. Le système judiciaire est également biaisé en défaveur des Noirs. Etre noir est toujours un handicap social après l’élection d’Obama. On n’est donc pas passé comme certains voudraient le faire croire à une société post-raciale. Une société post-raciale est une société où la race ne compte plus mais pas seulement pour le président! Il faut se garder de toute vision trop angélique sur ce point. Les Américains ne passent pas en un instant de la nuit à la lumière.

    Obama n’a-t-il pas fait de la question raciale un non-sujet durant la campagne, exception faite du discours de Philadelphie en mars?

    Il a plutôt évité le sujet. Il a pris soin de ne pas se présenter comme le candidat des Noirs. A tel point qu’on a pu considérer qu’il négligeait la question. Au début, ça lui a même été reproché par certains hommes politiques et intellectuels noirs. Mais avec les perspectives de victoire, d’abord aux primaires, puis à l’élection finale, ceux-ci n’ont pas boudé leur plaisir. Ils ont fait contre mauvaise fortune bon cœur. En 1984 et 1988, Jesse Jackson avait lui été le candidat de la communauté noire. C’est la raison pour laquelle il n’a pas dépassé les primaires.

    Quelle signification revêt cette élection pour la population noire de France?

    Il y a une portée symbolique, c’est évident. Il y a naturellement un processus d’identification pour les Français d’origine africaine. Ce nouveau président leur est plus proche que les habituels présidents américains blancs. Mais ça nous oblige à réfléchir à la situation française. Si l’on pose la question sans détours, cela donne: «Y a-t-il un Obama français?» La réponse est non. Cela montre de façon spectaculaire la sous-représentation des Noirs en France. La comparaison avec les Etats-Unis n’est pas à l’avantage de l’hexagone."

    D'après Libération du mercredi 5 novembre 2008

    Un homme de couleur n'avait-il pas pris le contrôle de la Maison-Blanche auparavant? Mais est-ce que les petits hommes verts comptent vraiment?...


    Doriane Purple

     

     

  • Born to kill...

    "J'admire ton courage, et je plains ta jeunesse.
    Ne cherche point à faire un coup d'essai fatal ;
    Dispense ma valeur d'un combat inégal ;
    Trop peu d'honneur pour moi suivrait cette victoire :
    À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
    On te croirait toujours abattu sans effort ;
    Et j'aurais seulement le regret de ta mort."

    Acte 2 , Scène 2 - Le Cid - Pierre Corneille

    (et non pas Thomas qui, au dire de Voltaire, était "un homme qui aurait une grande réputation s'il n'avait point eu de frère.")

      

     "Les sentiers de la gloire

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     Quatre des treize films de Kubrick traitent de la guerre. S'il fustige l'armée, ici l'armée française, le cinéaste ne propose aucune thèse positive, pacifiste ou patriotique. Il se contente d'exposer un système absurde, voire dément. Kubrick ne met jamais en scène héros ou victoire. Le colonel Dax aurait pu être le champion de la paix si son combat avait eu une quelconque incidence sur le chaos. Mais le film s'achève avec la reprise des assauts. Et si Les sentiers de la gloire s'ouvre sur "La marseillaise", c'est pour mieux affirmer qu'aucune utopie n'a jamais transformé le monde. Le pessimisme de Kubrick, qui deviendra légendaire, éclate au grand jour. Après Les sentiers de la gloire, sommet de la première période, l'oeuvre du cinéaste explorera toujours plus avant la folie humaine. Mais il n'y manquera jamais l'humour distancié qui transforme les épisodes les plus tragiques en irrésistibles farces. Quand le condamné, en chemin vers le poteau d'exécution, pleure et supplie, l'humour du cinéaste traverse ses cris. Metteur en scène des frissons troubles, Kubrick joue diaboliquement avec la jouissance du spectateur. À travers ses méandres, le film constitue une véritable grille de lecture pour toute l'oeuvre du maître. "

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    D'après Arte

    Doriane Purple

  • Soyons réalistes, exagérons l’impossible !

    Che Guevara’s Marketing
     
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    Montpellier, ville vivante, grouillante, ébouriffante, fourmillant d’une vitalité désarmante et d’une jeunesse désinvolte, sous la douce chaleur du soleil automnal. Voilà que je m’arrête brusquement devant une affiche dénuée de pudeur, obscène, racoleuse, vantant … les onzièmes Internationales de la Guitare de Montpellier.
     
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    Sur la publicité, on peut y voir un montage de la photographie familière et trop célèbre de Che Guevara, prise à Cuba le 5 mars 1960 par Alberto Díaz Gutiérrez, dit Korda (à moins que ce ne soit par Juan Vivés, dit El Magnifico, un transfuge des services secrets cubains, selon ses propres dires),
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    sa tête profane, profanée d’une hérétique aura christique frôlant le bigotisme et enchassée sur un corps d’éphèbe à chemise flashy de pop-star moderne posant dédaigneusement, une guitare folk à la main et des lunettes noires hautaines vissées sur les yeux. A quand le Che déguisé en Golden Boy de la City ou de Wall Street pour les besoins d’une annonce bancaire, ou en Père Noël pour une campagne publicitaire de grands magasins pour les fêtes de fin d’année ? "Soyons réalistes, exigeons l’impossible" est devenu "Soyons réalistes, exagérons l’impossible". On retrouve déjà son image galvaudée et vendeuse sur des T-shirts d’enfants dans les écoles primaires ou sur la poitrine de bimbos dans les soirées mondaines,
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    dans des magasins d’ameublement sous forme décorative et même peut-être, pourquoi pas, sous la forme de glace "Cherry Guevara".
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    Che Guevara n’est plus qu’une belle gueule représentative d’une jeunesse révoltée et révolue qui, par sa disparition rapide et tragique, suscite le fantasme des consuméristes modernes. La plupart de ceux qui consomment son image ne savent pas ce que le Che était et ce qu’il représente de façon historique et idéologique : la représentation d’un temps où le choix politique était encore bivalent, bien qu’ambivalent. Attention, je ne défends en rien Che Guevara et ses actes. En effet, bien qu’idéaliste et généreux à la base, il a participé sciemment à l’instauration d’une dictature à Cuba après l’éviction de celle pro-américaine de Batista en 1959 et son serment d’Hippocrate a été largement oublié dès lors qu’il a tué pour défendre ses idées. Je ne défends ici que son image et je déplore qu’elle soit aujourd'hui si ironiquement porteuse de valeurs mercantiles sans aucune analyse historique du personnage. A ce propos, mes anciens bailleurs m’assenaient leurs verbiages à chaque fois que je ne pouvais pas les éviter. Ils se vantèrent un jour de s’être payés un voyage à Cuba, destination à la mode semblait-il, et avaient été surpris du culte des "indigènes" à propos d’un personnage barbu que l’on voyait partout dessiné sur les murs. Ce n’était pourtant pas le "président" (sic) de Cuba ! Ce barbu parmi les barbudos n’était autre que le Che. J’ai toujours adoré ces incultes présomptueux et suffisants. Il est vrai que l’on ne peut pas être cultivé en toutes choses communes, bien qu’on le soit en choses fongibles, mais dans ce cas, il est préférable de ne pas parler et de conserver ses logorrhées verbales avant de s’être informé sérieusement. Vous ne me verrez jamais parler ou écrire sur les stratégies footbalistiques, l’art culinaire, la graphie chinoise ou même… l’orgasme féminin. Ce sont des sujets qui me dépassent !
     
    Je connais Che Guevara, ce petit Jésus communiste depuis l’enfance, par l’intermédiaire de la culture cultuelle familiale. Ma grand-mère, qui a 98 ans, conserve à ses côtés les photos familiales et en face d’elle, l'image du Che auquel elle prête, dans sa mémoire défaillante, une hypothétique liaison de jeunesse. J’ai souvenir aussi d’un moment émouvant dans ma prime jeunesse en entreprise où un collègue de travail d’origine argentine m’avouait au détour d’une brève histoire de sa vie, que ses grands-parents avaient été voisins des parents du Che dans sa jeunesse dans un petit village d’Argentine. Le contraste entre le milieu de l’entreprise où nous déambulions et l’évocation de ce souvenir peu libéral où nous voguions était par là même cocasse, mon style beatnik ayant certainement suscité ses aveux à peine murmurés. Autre souvenir plaisant : l’affiche inversée et donc risible d’un Che portant un T-shirt à l’effigie de Renaud, à la sortie d’un des concerts de ce même chanteur.

      
     
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    Un homme est mort et son cadavre, après presque 40 ans, ne repose toujours pas en paix...
    Adieu donc l’icône usée d’un univers passé, vive la carte postale publicitaire d’un monde moderne consumériste !
    ¡Hasta siempre la victoria… del liberalismo !
     
    Bibliographie bien loin d’être exhaustive :
     
    Che de Pierre Kalfon , très riche, très documenté et très intéressant pour mieux comprendre le parcours de Che Guevara, livre qui a inspiré le film El Che
     
    Révolte consommée de Joseph Heath et Andrew Potter (commenté magiquement par Pierre Assouline et par Le Monde diplomatique) ou L’art de la récupération de la révolte
     
    A quand aussi un Kurt Cobain trônant sur des chaises hautes pour bébés ou vantant virtuellement une quelconque marque de voitures?
     
     
    Doriane Purple 

  • Joli mois de mai ?

     Une victime cachée de Mai-68 ?

    "Il faisait chaud, dimanche 29 avril à Bercy, et Nicolas Sarkozy transpirait beaucoup. LCI diffusait en direct les images du dernier grand meeting du candidat UMP. « Mai 1968 nous avait imposé le relativisme intellectuel et moral. Les héritiers de mai 1968 avaient imposé l'idée que tout se valait, qu'il n'y avait donc désormais aucune différence entre le bien et le mal, le vrai et le faux, le beau et le laid. Ils avaient cherché à faire croire qu'il ne pouvait exister aucune hiérarchie des valeurs. D'ailleurs, il n'y avait plus de valeurs, plus de hiérarchie. Il n'y avait plus rien du tout ! », disait-il. L'air est connu."

    D'après l'article titré "Une victime cachée de Mai-68" de Dominique Dhombres, paru dans LE MONDE du 2 mai 2007

    La chianlie gaulliste reviendrait-elle? Réponse ce soir à 20h00 pile... ou face...

     

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    D'après le Canard Enchaîné du 2 mai 2007

    Doriane Purple

     

     

  • La Grande Illusion

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    Génération perdue des illusions perdues... 

     

    "Longue, douloureuse et meurtrière, la Grande Guerre vit s'entretuer des millions d'hommes qui, la veille encore, juraient «guerre à la guerre» . Ils furent les frères d'armes de ceux qu'ils accusaient d'être des militaristes, des chauvins, des bellicistes, et également des millions d'autres qui firent la guerre par devoir ou encore sans trop savoir pourquoi. Passé 1918, devenus anciens combattants, ni les uns, ni les autres ne mirent en doute la légitimité de leur sacrifice; ils avaient combattu pour la défense de la patrie et la guerre qu'ils avaient faite était une «juste guerre» . Pendant cinquante ans, ils n'ont cessé de le répéter."


    Marc Ferro, La grande guerre 1914-1918 (idées, Gallimard, 1969)

     

    La chanson de Craonne
    1917 - Anonyme

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    En 1917, après le massacre du Chemin des Dames, où plus de 147 000 poilus furent tués et plus de 100 000 furent blessés en deux semaines, les soldats se mutinèrent dans plus de 60 des 100 divisions de l'armée française. Ces révoltes furent très sévèrement réprimées, en particulier par Pétain (le général Nivelle, responsable de la calamiteuse offensive, ayant été remplacé par le général Pétain) : il y eut plus de 500 condamnés à mort.

    Jean de Nivelle (sic) nous a nivelés
    Et Joffre nous a offerts à la guerre !
    Et Foch nous a fauchés…
    Et Pétain nous a pétris…
    Et Marchand ne nous a pas marchandés…
    Et Mangin nous a mangés ! »


    Blaise Cendrars, La Main coupée


    « Cinquante mois on se l’est disputé, on s’y est égorgé et le monde anxieux attendait de savoir si le petit sentier était enfin franchi. Ce n’était que cela, ce chemin légendaire: on le passe d'une enjambée… Si l’on y creusait, de la Malmaison à Craonne, une fosse commune, il la faudrait deux fois plus large pour contenir tous les morts qu'il a coûtés. Ils sont là, trois cents mille, Allemands et Français, leurs bataillons mêlés dans une suprême étreinte qu’on ne dénouera plus, trois cent mille sur qui des mamans s’étaient penchés quand ils étaient petits, trois cent mille dont de jeunes mains caressèrent le visage. Trois cent mille morts, cela fait combien de larmes ? »


    Roland Dorgelès, Le réveil des morts

    « Créneaux de la mémoire ici nous accoudâmes
    Nos désirs de vingt ans au ciel en porte à faux
    Ce n'était pas l'amour mais le Chemin des Dames
    Voyageur souviens-toi du Moulin de Laffaux »

    Louis Aragon, « Plus belle que les larmes », Les yeux d’Elsa


    La Chanson de Craonne est une œuvre devenue emblématique de la 1ère guerre mondiale, qui traduit l'état d'esprit des poilus après l'échec de l'offensive française ordonnée par Nivelle au Chemin des Dames dans l'Aisne, au cours de laquelle de terribles combats meurtriers se sont déroulés sur le territoire de Craonne.
    La hiérarchie militaire avait offert un million de francs-or et la démobilisation à celui qui lui donnerait des renseignements sur le ou les auteurs, sans succès. Elle resta anonyme. Paul Vaillant-Couturier la popularisa.

    "Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé
    On va reprendre les tranchées,
    Notre place est si utile
    Que sans nous on prend la pile
    Mais c'est bien fini, on en a assez
    Personne ne veut plus marcher
    Et le coeur bien gros, comm' dans un sanglot
    On dit adieu aux civ'lots
    Même sans tambours, même sans trompettes
    On s'en va là-haut en baissant la tête

    Adieu toutes les femmes
    C'est bien fini, c'est pour toujours
    De cette guerre infâme
    C'est à Craonne sur le plateau
    Qu'on doit laisser sa peau
    Car nous sommes tous des condamnés
    Nous sommes les sacrifiés

    Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
    Pourtant on a l'espérance
    Que ce soir viendra la r'lève
    Que nous attendons sans trêve
    Soudain dans la nuit et le silence
    On voit quelqu'un qui s'avance
    C'est un officier de chasseurs à pied
    Qui vient pour nous remplacer
    Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
    Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes

    Adieu la vie, adieu l'amour,
    Adieu toutes les femmes
    C'est bien fini, c'est pour toujours
    De cette guerre infâme
    C'est à Craonne sur le plateau
    Qu'on doit laisser sa peau
    Car nous sommes tous des condamnés
    Nous sommes les sacrifiés

    C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards
    Tous ces gros qui font la foire
    Si pour eux la vie est rose
    Pour nous c'est pas la même chose
    Au lieu d'se cacher tous ces embusqués
    Feraient mieux d'monter aux tranchées
    Pour défendre leur bien, car nous n'avons rien
    Nous autres les pauv' purotins
    Tous les camarades sont enterrés là
    Pour défendre les biens de ces messieurs là

    Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront
    Car c'est pour eux qu'on crève
    Mais c'est bien fini, car les trouffions
    Vont tous se mettre en grève
    Ce s'ra vot' tour messieurs les gros
    D'monter sur le plateau
    Et si vous voulez faire la guerre
    Payez-la de votre peau"

     

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    Morts pour la France ?… En tous cas, "fusillés pour l’exemple" et réhabilités seulement 81 ans plus tard en 1998 ! Honneur à la Grande Muette !

    Et il ne reste plus, aujourd'hui, qu'une poignée de survivants pour témoigner de ce grand désastre humain qu'est la Grande Guerre, qui continue ailleurs, tous les jours, pourtant, à plus petite échelle... 

     

    Doriane Purple

  • Les vertus du fromage...

     

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    "Vulpis et corvus

    Quae se laudari gaudent uerbis subdolis,
    serae dant poenas turpi paenitentia.
    Cum de fenestra coruus raptum caseum
    comesse uellet, celsa residens arbore,
    uulpes inuidit, deinde sic coepit loqui:
    'O qui tuarum, corue, pinnarum est nitor!
    Quantum decoris corpore et uultu geris!
    Si uocem haberes, nulla prior ales foret'.
    At ille, dum etiam uocem uult ostendere,
    lato ore emisit caseum; quem celeriter
    dolosa uulpes auidis rapuit dentibus.
    Tum demum ingemuit corui deceptus stupor."

     

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    "LE CORBEAU ET LE RENARD.

    Celui qui aime les flatteries perfides en est d'ordinaire puni par un repentir plein de confusion. Un corbeau avait pris sur une fenêtre un fromage et se disposait à le manger perché sur le haut d'un arbre. Un renard l'aperçut et se mit à lui parler ainsi : « Que ton plumage, ô corbeau, a d'éclat ! Que de beauté sur ta personne et dans ton air ! Si tu avais de la voix, nul oiseau ne te serait supérieur. » Mais lui, en voulant sottement montrer sa voix, laissa de son bec tomber le fromage et le rusé renard se hâta de le saisir de ses dents avides. Alors le corbeau gémit de s'être laissé tromper stupidement."
     
     
     
    Le fromage est donc un mets convoité depuis longtemps! La caséine reste heureusement plus courue que la cocaïne! Attention toutefois à son perfide effet secondaire: perte de l'entourage à cause d'une haleine par trop méphitique!
     
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    Doriane Purple 

     

  • Tueurs-nés

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    Entre Mississippi Burning d’Alan Parker sur Paris Première le 10 septembre et Thunderheart de Michael Apted sur France2 le 12 septembre, je suis Stone… je suis stone, cher Oliver, de voir cette Amérique qui fait souffrir et qui souffre injustement.

     

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    Doriane Purple

  • Métal hurlant !

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    Le métal acéré coule dans mes veines, brûlant de son feu liquide mes tympans. Ses flammes noires aspergent d'essence méphitique mon âme sombre, l'allumant d'un éclat crépusculaire, ravageur, le déchirant de ses riffs gutturaux. Ses fumées m’étouffent, exhalant leur souffle rauque et aciéré, phosphorant mes yeux rougis par la folie brutale de ces bruits métalliques. Serait-ce un avant-goût du dantesque Enfer ou plus simplement un léger étourdissement bien terre à terre ?

     

     Doriane Purple

     

     

  • Pour un portable déserteur enterré dans une tranchée et ne répondant plus...

    Des hommes contre

     

     

     

    La Grande Guerre, comme aucune autre, a donné naissance à une production écrite abondante : lettres, journaux, témoignages multiples des poilus ; mais aussi carnets de bord, poèmes et romans de la part d’écrivains qui voulaient rendre compte d’une expérience qui s’est peu à peu transformée en cauchemar.

     

    Alors que Barrès, loin du front, s’extasiait : " Qu’ils sont beaux nos défenseurs dans ces carrières, dans ces trous, [...] couverts de boue, embrassant la terre natale... ", le fantassin Genevoix écrivait : " Ce que nous avons déjà fait... En vérité, c’est plus qu’on ne pouvait demander à des hommes. Et nous l’avons fait. " Les écrivains-combattants ont écrit pour rendre compte de l’incompréhensible et pour tenter de le comprendre, balayant les clichés de gloire et d’héroïsme dont l’arrière agrémentait la catastrophe. Ainsi certains témoignages ont-ils été publiés à chaud : Le Feu d’Henri Barbusse, Sous Verdun et Nuits de guerre de Maurice Genevoix en 1916 ; en 1919, Les Croix de bois de Roland Dorgelès. En Allemagne, en 1921, Orages d’acier, le journal de guerre d’Ernst Jünger, puis, en 1929, À l’Ouest, rien de nouveau, d’Erich Maria Remarque, qui fit scandale. En Italie, Emilio Lussu a écrit en 1937 un " roman " intitulé Les Hommes contre, précisant, dans sa préface, qu’il n’avait fait que transposer ses souvenirs de guerre.
    Protagonistes du drame, les écrivains furent donc d’irremplaçables témoins. Et cette tranche d’histoire, séisme historique et culturel, confère à leur témoignage des traits spécifiques : ceux de l’épopée et de la poésie cosmique. Toutefois, excepté Jünger, aucun d’eux n’a exalté l’événement : ils ont voulu au contraire en dénoncer l’horreur.

     

    AUTEURS, ACTEURS ET TÉMOINS

    Tous les auteurs, ou presque, ont adopté le récit à la première personne, garant de la vérité des faits dont ils ont été les témoins et les acteurs. La subjectivité du " je " se double de l’objectivité attachée à la volonté de rendre compte de l’événement vécu. Le récit adopte ainsi simultanément, selon des modalités diverses chez chacun, une distance et une proximité qui impliquent une double lecture, historique et psychologique.

    Le récit de Jünger est strictement autobiographique. Pourtant, il choisit le mode de la narration extérieure : il évoque le décor et les faits sur le même ton descriptif et objectif, juxtaposant ses observations sur l’organisation des tranchées, les actes, la vie et la mort des hommes, lesquels procurent alors l’étrange impression d’appartenir au matériel, au même titre que les autres éléments du dispositif de guerre. Dans Le Feu de Barbusse, le narrateur-témoin et protagoniste des événements a choisi délibérément le rôle de porte-parole de ses camarades, comme le soulignent les passages où il se représente en train d’écrire sous le regard des soldats qui lui demandent de transcrire la vérité des faits. Le même souci d’objectivité et d’authenticité du narrateur-témoin et acteur apparaît dans Les Hommes contre. Barbusse et Lussu mettent tous deux en tableau, au présent d’actualité, dans un effet impressionnant de réalité saisie sur le vif, les scènes spécifiques de la vie quotidienne et dramatique des soldats. Au contraire, la chronique de Maurice Genevoix tire son effet d’authenticité de la subjectivité affichée avec laquelle il raconte, au jour le jour, sa propre histoire, étroitement mêlée à celle des hommes dont il partage la vie. Les romans de Dorgelès et de Remarque, plus lyriques, sont écrits en focalisation interne. Les émotions du narrateur-personnage y colorent toutes les scènes, qu’elles soient banales et familières ou terrifiantes. Dans Les Croix de bois, Dorgelès a adopté un système de narration par dédoublement : Jacques Larcher, le narrateur-personnage effacé, projette sur son héros, Gilbert Demachy, les émotions qui expriment la vérité intérieure des hommes, en particulier cette mélancolie oppressante qui se substitue progressivement à la foi du début. Dans À l’Ouest, rien de nouveau, la vision de la guerre, intériorisée par le narrateur-personnage Baümer, se présente comme l’expression de la révolte de sa génération, le héros faisant étroitement partie d’un groupe de jeunes gens, camarades de classe, victimes des mêmes illusions au moment de leur engagement commun.

    L’effet de vérité résulte par ailleurs du champ de vision réduit qui constitue le cadre spatio-temporel du récit. Les écrivains-témoins ne racontent que les faits vécus dans le cadre étroit qui fut celui de leur expérience propre, sans les situer dans leur ensemble stratégique. Le temps s’écoule au rythme des relèves qui faisaient alterner les périodes en première ligne et celles de repos à l’arrière. Seuls repères géographiques : les noms des villages de l’arrière. L’espace et le temps y semblent donc comme clos dans les limites étroites des tranchées, longuement décrites, labyrinthes précaires et durables.

     

    LA CRUAUTÉ AU QUOTIDIEN

    Héritiers des romans réalistes du XIXe siècle, les écrivains ont reconstruit l’illusion de la réalité en soulignant ses aspects quotidiens. On rencontre des thèmes récurrents dans les divers récits.

    La vie est hantée par la misère matérielle et tous les récits soulignent le retour à des préoccupations élémentaires. Les odeurs sont insupportables, celle de la mort, en particulier, omniprésente dans les tranchées. C’est l’une des premières expériences de Genevoix : " Il faut continuer à les voir, à respirer cette odeur fétide, jusqu’à la nuit. " Les hommes sont asservis à leurs instincts, la nourriture d’abord, le sommeil ensuite, qui souvent manquent et dont la quête remplit le vide des journées. Genevoix, lors d’une manœuvre qu’il fait exécuter sur ordre, commente : " Comme ils sont las ! Leurs corps fléchissent, s’affaissent. Il semble que la terre les attire, les appelle irrésistiblement. Les Éparges, la nuit, les balles, la pluie, la boue, la longue veille... Tant de fatigues ! "

    Le thème de la boue revient sans cesse. Les pluies constantes ont transformé les sols crayeux du front de l’Est en catastrophe permanente pour les soldats dont les tranchées devenaient des cloaques, où l’on s’enlisait jusqu’à la taille, où l’on se noyait.

    Autre fléau quotidien, les poux. Inévitables compagnons des tranchées, ils suscitent toutes sortes de plaintes et de commentaires. Les rats aussi sont légion, qui disputent aux soldats leur nourriture.

     

    La guerre totale

    Il y a eu, en 1 560 jours de guerre, dix millions de morts, presque exclusivement des soldats : deux millions pour l’Allemagne, un million trois cent quatre-vingt-dix-sept mille pour la France, un million huit cent mille pour la Russie, environ huit cent mille pour la Grande-Bretagne. On compte une moyenne de 857 tués par jour pour la France. Lors des batailles les plus violentes, le nombre des morts s’est élevé à dix mille par jour.

    Les progrès technologiques ont " déshumanisé " la guerre. Les soldats se battent contre un ennemi invisible ; ils sont livrés dans l’impuissance totale aux barrages d’artillerie, aux obus de plus en plus puissants et tirés sans relâche qui dévastent en quelques heures le paysage. L’inauguration des gaz, en 1915, à Ypres, sur un front de huit kilomètres, a tué 5 000 hommes et fait quinze mille intoxiqués en quelques heures. Le port du masque à gaz, très pénible, a aggravé considérablement les conditions du combat. Les lance-flammes, dont Hitler fera plus tard un grand éloge parce que " c’est la chose la plus terrifiante qui soit ", projetaient le feu à trente mètres, paralysant l’ennemi. Dans les corps à corps, les matraques, massues et couteaux remplacent la baïonnette, d’un usage malaisé. Enfin, l’abandon des soldats blessés, agonisant devant les tranchées, parce qu’on tire aussi désormais sur les sauveteurs, est l’un des aspects les plus cruels des combats.

    Cette brutalité a eu des conséquences durables. Elle a été à l’origine des progrès du pacifisme, mais elle explique aussi la violence des fascistes, nostalgiques de la violence apprise dans les tranchées.

     

    L’IRRUPTION DE LA GUERRE INDUSTRIELLE

    Mais l’enlisement dans une vie dégradante n’est que le décor d’une peur constante, issue des nouvelles conditions de la guerre industrielle. Les chroniqueurs empruntent à l’épopée les métaphores fantastiques et archaïques qui visent à rendre sensible l’inimaginable.

    La Guerre de 14 a été une guerre de fer et de feu. Jünger, observateur attentif et passionné des tactiques militaires dont il a été un ardent protagoniste, qualifie cette guerre de " guerre de matériel ". Il écrit dans Orages d’acier, à la date du 16 juin 1916 : " Maintenant, c’était la guerre de matériel qui nous attendait, avec son déploiement de moyens titanesques ". Et en effet, le rôle du matériel fut gigantesque, il a entraîné le monde entier dans un conflit apocalyptique dont les fantassins, " chair à canon ", ont été les seuls véritables spectateurs et les martyrs.

    Les romanciers ont décrit avec des métaphores cosmiques l’éblouissant spectacle qui accompagnait les assauts. Lorsqu’ils sont à l’arrière, les soldats sont fascinés par la splendeur nocturne de l’embrasement du front. Jünger, guerrier-poète exalté, a multiplié les tableaux fabuleux du vacillement de l’univers dans la fureur des barrages d’artillerie qui préparent l’assaut. " Un flamboiement bref illumine l’entrée de l’abri, suivi d’un unique rugissement inouï qui en un instant atteint son maximum de force, comme la marche d’un gigantesque moteur dont on ne distingue plus les vibrations isolées. [...] La terre se met à rouler et à tanguer et fait trembler l’abri comme un vaisseau pris dans la tempête. " (Feu et Sang).

    Comme dans les épopées primitives, cet univers cataclysmique s’anime d’une vie désespérée, sauvage et maléfique. Les métaphores animales se multiplient pour décrire la peur qu’inspire le bruit des armes. Remarque décrit le bombardement comme un orage monstrueux, animé d’une force animale et sauvage : " [...] l’air est plein de ruées invisibles, de hurlements, de sifflements et de susurrements ; ce sont des obus de petit calibre. Mais de temps en temps retentit aussi à travers la nuit la voix d’orgue des grandes "caisses à charbon", des projectiles de l’artillerie qui s’en vont tomber loin derrière nous. Ils ont un cri enroué, lointain, bramant comme des cerfs en rut. "

     

    Le cri des poètes

    Les poètes ont été la voix des émotions les plus intimes qu’ont éprouvées tous les poilus face à la mort de leurs camarades. " Toute la terre, l’homme souffre/Et ton sang déchire le sol !... /Ils t’ont laissé au bord d’un gouffre ! " (Éluard, dans Le Devoir, 1916). Ils ont été le regard stupéfait porté sur l’effroyable spectacle offert par l’attaque. Les célèbres poèmes d’Apollinaire, publiés dans Calligrammes, en sont un exemple.

    Ils ont exprimé la conscience humaine, bouleversée par l’horreur banale et continue de la violence absurde. Ainsi, Georg Trakl, poète allemand, dans " Grodek " : " [...] la nuit embrasse/Les guerriers mourants, la plainte sauvage/Leurs bouches brisées. "

    Ils ont crié leur révolte face au mépris dans lequel cette guerre a tenu les vies humaines. Ainsi Erick Mühsam, poète allemand anarchiste, dans " Le chant du soldat " : " Nous avons appris à tenir dans la bataille/dans la tourmente et le brasier d’enfer/Nous avons appris à marcher à la mort/sans nous soucier de notre sang./Et, quand l’arme tournera un jour/contre ceux qui nous ont appris la guerre,/ils n’auront pas en face d’eux des pleutres./Ils ont été bons professeurs. [...] " Cocteau, avec moins de cynisme, mais sur un ton d’ironie noire, évoque dans " Délivrance des âmes " l’incroyable familiarité de la mort dans les tranchées : " Au segment de l’Éclusette/On meurt à merveille./On allait prendre l’air dehors ;/On fumait sa pipe ; on est mort. [...] "

    Le surréalisme est né de la haine de la guerre. En 1921, la manifestation Dada, au cours de laquelle Barrès fut inculpé de " crime contre la sûreté de l’esprit ", symbolise la crise des valeurs nationales qui avaient irrémédiablement brisé la sensibilité des hommes, dont les poètes sont la conscience vive.

     

     

    UN SACRIFICE ABSURDE

    La terre blessée de cette immense tranchée qui s’étend de la Manche à la Suisse, que creusent les hommes face à face, la nuit, et dans laquelle ils s’enterrent le jour, est labourée par les obus, n’offrant plus au regard, après la bataille, qu’un paysage chaotique, celui du début ou de la fin du monde. Faisant le récit de l’assaut sanglant de la crête des Éparges du 17 février 1915, Genevoix écrit : " Les parois des boyaux s’affaissent ; la masse de la colline les happe par-dessous ; toute la colline s’affaisse, se dévore elle-même, se digère. " Puis, lorsque les quelques survivants reprennent conscience peu à peu de la réalité : " On ne sait plus où on en est. Il n’y a plus de terre, ni de ciel, il n’y a toujours qu’une espèce de nuage. "

    Les mêmes hyperboles épiques qui, traditionnellement, tendent à représenter l’impuissance de l’humanité face à la cruauté de l’univers, montrent ici la masse des soldats anéantis par la violence des assauts. Sacrifiés à cet affrontement titanesque, les fantassins ne sont qu’un immense troupeau errant d’êtres préhistoriques, livrés en holocauste à des ennemis invisibles, soumis à une volonté inflexible. L’ouverture du roman de Giono, Le Grand Troupeau, inspiré par la Grande Guerre, décrit l’immense mouvement des hordes de moutons qui, abandonnés par les bergers mobilisés, traversent en masse la montagne et les villages désertés. Métaphore archaïque et moderne, cette image suggère les errances des armées de fantassins à travers des régions dévastées, vers des destinations improbables, dont la seule qui soit promise et qui les obsède est celle du feu et de la mort.

    Dorgelès a raconté le cauchemar des soldats, terrés pendant trois jours d’un violent bombardement dans un cimetière, réfugiés dans les tombes, se protégeant avec le bois des cercueils. Le grouillement des soldats, dans les tranchées, rappelle les légendes mythologiques les plus anciennes, selon lesquelles les hommes seraient sortis tout casqués des entrailles de la terre. Genevoix, dans La Boue, décrit une relève nocturne : " D’autres hommes viennent de surgir, sortis nous ne savons d’où. J’avance un peu : à la place des sapins, il y a un talus à pic. C’est de là-dessous que sortent les hommes. Et là-dessous, disparaissent les nôtres, dans des terriers creusés là, des espèces de niches dont la bouche souffle une nuée fétide. " Ce sont enfin les cadavres que la terre charrie incessamment : " Un obus enterre le cadavre de Laviolette, un autre le déterre et le montre tel qu’il était, sa main morte dans la moufle bleue, au-dessus de la tête cachée au creux du bras. "

     

    L’HORREUR DE l’ASSAUT ET DU CHAMP DE BATAILLE

    La structure narrative contribue à la dramatisation épique du récit. Les scènes d’assaut sont les points culminants des chroniques organisées autour de ce formidable affrontement, où se concentre en un moment d’épouvante la rencontre des hommes et du feu des obus, incroyable et pourtant véritable aventure de cette masse d’hommes, dont le destin était fixé là. Le dispositif, invariable, met en scène le barrage d’artillerie qui prépare la sortie des fantassins, recroquevillés dans leur tranchée sous le feu qu’ils doivent affronter à l’heure H. La terreur qui les paralyse, le silence qui envahit la tranchée lorsque l’ordre de l’assaut a été donné et que les soldats attendent le signal du départ est, selon Lussu, " le plus terrible ". Il ajoute : " L’assaut ? Où allait-on ? On quittait les abris et on sortait. Où ? Couchées sur le ventre, bourrées de cartouches, les mitrailleuses au grand complet nous attendaient. Qui n’a pas connu ces instants n’a pas connu la guerre. " Il évoque ensuite la métamorphose des hommes, littéralement effacés par la peur : " La 9e compagnie était debout, mais je ne la voyais pas entièrement tant elle était collée aux parapets de la tranchée. " Genevoix décrit le silence fantomatique qui pèse sur la compagnie quelques minutes avant la bataille puis il observe la résignation de ses hommes : " Je les vois, dit-il, amassés dans les creux de la terre, serrés les uns contre les autres, ne faisant plus qu’un seul grand corps déjà blessé, déjà saignant de mutilations aveuglantes... ".

    Les métaphores de la violence confèrent aux récits de bataille un caractère hallucinatoire. Les auteurs multiplient les scènes de corps en morceaux, explosant avec les bombes, où les soldats se jettent dans une fournaise de feu, de sang, de cadavres. C’est alors une force primitive, archaïque qui semble les pousser dans la mêlée. Les écrivains l’ont vécue, et analysée avec stupéfaction. Jünger en particulier qui paraît fasciné par les énergies mystérieuses qui métamorphosent l’homme en guerrier au moment de la bataille, mais aussi Genevoix, Barbusse, Remarque, tous ont décrit cette ivresse inconnue qui s’empare des hommes au cœur du " chaudron rugissant " (Jünger). Jünger affirme, à la veille de la grande offensive de la Somme : " Nous sentîmes alors que la volonté d’offensive suscite des forces inconnues. " Barbusse montre, après la peur précédant l’assaut, la sauvagerie qui emporte les hommes à travers le barrage, " ce tourbillon de flammes ", et qui leur fait piétiner les cadavres ensanglantés de leurs camarades, au mépris des supplications des blessés. Il décrit les bonds, le regard fixe, " les rugissements ", la folie qui enlève les combattants à eux-mêmes et à l’horreur du massacre, pour les porter jusqu’à la tranchée allemande. Il conclut : " J’entrevois – le temps d’un éclair – toute une rangée de démons noirs, se baissant et s’accroupissant pour descendre, sur le faîte du talus, au bord du piège noir. "

    À cette folie meurtrière correspond l’ivresse des survivants. Exsangues, harassés, couverts de boue, ils éprouvent une gaieté irrationnelle. Barbusse exprime sa stupéfaction lors du retour de sections décimées au cantonnement : " Au milieu de ces soldats, qui reviennent de ces bas-fonds épouvantables, c’est un vacarme assourdissant. Ils parlent tous à la fois, très fort, en gesticulant, rient et chantent. "

     

    Lettres du front

    Au front [...], je n’ai pas écrit. Je laissais ça à mes hommes qui n’arrêtaient pas de pondre, pondre, pondre, écrivant à leurs femmes : mère, épouse, sœur, fiancée, amie, maîtresse, flirt, copine, rencontre, demoiselle de magasin ou serveuse de café et, à la dernière, cette nouvelle venue, la marraine de guerre, ce beau mensonge issu du cafard ou qui, peut-être, l’engendra. " (Blaise Cendrars, La Main coupée).
    Les lettres furent le lien le plus précieux des soldats avec la vie. Elles leur ont permis de " tenir ". Après une période de deux mois au début de la guerre, où elles ne furent pas distribuées, la correspondance devint une préoccupation quotidienne. Dans les tranchées, les soldats peuvent écrire une lettre par jour et parfois plus. Elles constituent, avec les journaux intimes et carnets de guerre écrits au jour le jour, une masse considérable de documents. Elles sont cependant soumises à la censure militaire, qui retenait les lettres pacifistes ou révolutionnaires, et à l’autocensure des fantassins qui ne voulaient pas inquiéter leurs familles.
    Ces lettres ont permis aussi aux militaires de protester contre la propagande. Un exemple, souvent rapporté par les historiens : l’état-major de la 5e armée ayant cru bon d’adresser un rapport optimiste sur l’état des troupes pendant l’hiver 1915, au Chemin des Dames, un article parut dans un grand quotidien parisien qui rendait public le " bonheur idyllique " des poilus. Deux cent mille lettres d’injures furent adressées au journal en trois jours.
    R. G. Nobécourt, historien et ancien combattant, évoque l’exaspération des soldats lorsque Maurice Barrès exaltait dans la presse le héros-guerrier : " ... le soldat semble une figure sans âge, éternelle, chargée de tout le passé et de qui dépend l’avenir, une jeune divinité. " L’historien souligne, lui, la lassitude des soldats et leur silence. Leurs lettres furent leur indispensable poésie quotidienne ; elles ne furent pas les interprètes de leur héroïsme.

     

    LE TRAGIQUE DE LA CONDITION HUMAINE

    Les écrivains combattants ont été la conscience et la voix des hommes dont ils ont partagé la vie. Ils ont dit en leur nom ce que tous, intellectuels ou hommes du peuple, ont compris dans l’incompréhensible chaos dont ils ont été les martyrs : que cette guerre était absurde et que l’histoire se dévorait elle-même en sacrifiant son peuple.
    Chez les intellectuels, mobilisés ou engagés, le choix de rejoindre le corps des fantassins a été souvent le fait d’une conviction personnelle. La défense de la patrie ou l’aventure étaient les dieux de cette épopée contemporaine. Mais la transformation de la guerre de mouvement, qui devait être une guerre-éclair, en une interminable guerre de positions, devenue peu à peu un mode de vie sans issue vraisemblable, a transformé cette aventure héroïque en un roman d’éducation amer et souvent désespéré. Cette guerre a amené à la conscience de cette génération d’hommes le sentiment tragique de la condition humaine. Pour eux, le destin a pris peu à peu les traits monstrueux de l’absurde.

    D’abord, le réalisme impitoyable avec lequel les écrivains ont évoqué l’extermination des soldats communique au lecteur la terreur à laquelle ils ont dû s’habituer. La banalité de la mort, devenue compagne quotidienne, l’horreur familière des corps déchiquetés et abandonnés sans espoir de sépulture sur le champ de bataille, les défilés des blessés, leurs plaintes nocturnes devant les tranchées, la liste interminable des camarades disparus au cours de l’assaut, dont on récapitule les noms et dont on n’a pas le temps d’évoquer la mémoire parce qu’il faut combattre encore, telle est l’atmosphère dans laquelle les fantassins ont respiré pendant quatre ans. Les grandes scènes des champs de bataille après l’assaut sont insoutenables. Barbusse, à l’aube, reprenant conscience, découvre peu à peu les corps mêlés à la boue, les masses des noyés, " bonshommes en baudruche ", les corps affreusement mutilés, les membres dispersés. Et la folie menace ceux qui ne peuvent s’habituer au massacre. Jünger lui-même se sent subitement saisi d’épouvante : " C’en est trop ! Je m’élance et cours follement dans l’obscurité, fonce à travers les entonnoirs et culbute par-dessus les tranchées comme si j’avais Satan aux trousses. "

    Ces hommes condamnés à fréquenter la mort violente et quotidienne se savent eux aussi condamnés à mort. La fatalité les conduit à des actes de désespoir. Lussu raconte le suicide de deux hommes qui retournent leur arme contre eux-mêmes au moment de la sortie des tranchées pour l’assaut. La mort cerne les soldats : ils sont décimés par la bataille, mais aussi par la dysenterie, le typhus. Ils risquent aussi, s’ils tentent d’échapper aux ordres, le Conseil de guerre et le peloton d’exécution. Barbusse, Remarque et Genevoix évoquent de telles sanctions.

    Mais souvent, ce qui envahit la conscience du témoin de l’horreur, c’est une maladie plus pernicieuse, plus grave parce que sans issue elle aussi, c’est l’indifférence. Genevoix note ainsi, après le massacre de sa compagnie : " Ce n’est pas de ma faute : cette indifférence est sur moi, tombée sur moi je ne sais d’où, mais tangible et réelle comme des bras qui m’envelopperaient. " Et ce qu’il éprouve, il sait que ses hommes le ressentent aussi.

    Le désabusement surgit lorsqu’ils prennent conscience de l’absurdité de leur rôle. Que peuvent en effet signifier la patrie, l’aventure, l’héroïsme même, dans la fournaise des mitrailleuses ? Le seul dieu de la guerre est un monstre froid : la guerre de matériel est un engrenage implacable. " Feux roulants, tir de barrage, rideau de feu, mines, gaz, mitrailleuses, grenades, ce sont là des mots, des mots, mais ils renferment toute l’horreur du monde ", écrit Remarque. À la fin du récit, il évoque les nouveaux monstres, les tanks, et il exprime l’impuissance des soldats : " ... ces tanks sont des machines, leurs chenilles sont infinies, comme la guerre ; elles apportent la destruction, lorsque impassiblement elles descendent dans les entonnoirs et en ressortent sans s’arrêter, véritable flotte mugissante et crachant la fumée, bêtes d’acier invulnérables écrasant les morts et les blessés. "

    Seul Jünger a exalté cette guerre industrielle, il en a décrit les dispositifs, la perfection technique et scientifique, la puissance du " souffle incandescent mécanique de la mort " qui s’était manifesté pour la première fois à Verdun, avec une ampleur jamais vue. Il constate que " l’ère de la domination de la machine sur l’homme, du valet sur le maître devient évidente ". Ici, dit-il, " le style d’une génération matérialiste et technique fête son triomphe sanglant " (Feu et Sang). Il en conclut que c’est le devoir de l’homme d’affronter ce nouveau visage du destin que la société contemporaine a édifié et dont il est membre.

     

    HARO SUR LES CHEFS ET LES EMBUSQUÉS

    Pourtant, les responsables du massacre prennent, dans la conscience du peuple des soldats dont les écrivains sont les interprètes, des traits sensibles. Ce sont ceux de gens de l’arrière : les hommes politiques et les chefs d’état-major, dont les mots d’ordre, " patrie " ou " ennemis héréditaires ", paraissent de plus en plus obscurs, vains et falsificateurs, au fur et à mesure que les hécatombes se répètent et se multiplient sans que personne ne sache pourquoi on se bat. Genevoix souligne cette lucidité des hommes concernant l’incohérence des décisions militaires. Il pointe les ambitions personnelles qui seules les expliquent : " La guerre... Tant d’appétits, d’ambitions, de rivalités mesquines, rêves de galons, de médailles ou de croix, affaires louches, entreprises froidement calculées, plus redoutables et meurtrières à mesure qu’on s’éloigne du rang... ". Lussu dénonce la folie meurtrière des officiers, prodigues de la vie des hommes. Il montre la révolte des soldats pour qui l’ennemi principal est le colonel : ils finissent par tourner leurs armes contre leurs chefs. Les responsables sont aussi, aux yeux de Remarque en particulier, les adultes, maîtres et parents, qui ont poussé délibérément la jeune génération au martyre.

    Ce sont également, aux yeux de tous, les embusqués, bureaucrates, industriels et trafiquants, qui s’enrichissent en fabriquant du matériel de mauvaise qualité – les obus éclatent dans les canons et tuent les artilleurs. Il y a aussi les villageois qui s’enrichissent au marché noir aux dépens du poilu. En première ligne, asservis à une vie archaïque et à la volonté de chefs invisibles, jetés contre un ennemi invisible dans l’enfer du feu, les soldats de la Guerre de 14 vivent, impuissants, la trahison de la société pour laquelle ils meurent.

    Les écrivains analysent l’engrenage de la guerre et leur expérience fait surgir de nouvelles questions. La prise de conscience de la fragilité de l’existence engendre une mélancolie qui accompagnera nombre de survivants jusqu’au nouveau conflit de 1939. Beaucoup auront le sentiment de n’avoir vécu qu’une trêve, et les historiens parlent d’une guerre de trente ans. Bernanos écrit, au début des Enfants humiliés : " Nous retournons dans la guerre comme dans la maison de notre jeunesse. " Aurélien, personnage éponyme du roman d’Aragon, souffre après la guerre d’une veulerie dont seule celle de 39 le secouera. Remarque commente ainsi cette blessure incurable dans l’âme des combattants : " Pendant des années nous n’avons été occupés qu’à tuer ; ç’a été là notre première profession dans l’existence. Notre science de la vie se réduit à la mort. Qu’arrivera-t-il donc après cela ? Et que deviendrons-nous ? "

     

    L’argot des tranchées

    Les circonstances et l’imagination populaire nous ont laissé en héritage un vocabulaire abondant.
    Poilu, hérité du lexique de la Grande Armée : " le brave à trois poils ", est apparu pendant l’hiver 1914-1915, le plus pénible. Les barbes se multiplièrent chez les soldats du front et devinrent l’emblème du vrai combattant. Elles disparurent par la suite, du fait des masques à gaz et de l’amélioration de l’hygiène, mais le mot resta, chargé de sa connotation héroïque et familière. On lit dans Le Figaro en 1915 : " [...] La Parisienne la plus fine n’hésite pas à dire Mon poilu en parlant d’un époux ou d’un frère qui est au front, même s’il se rase chaque jour. Acceptons donc ce mot de poilu : il est entré dans l’Histoire. "

    Boche, pour désigner l’ennemi, dérivait d’Alboche, vieux mot pour Allemand. D’abord péjoratif, il perdit de sa virulence, jusqu’à acquérir une relative neutralité. On le trouve même, entre 1914 et 1918, dans les documents d’état-major. Les Allemands, quant à eux, désignaient les Français par le mot péjoratif de " Schangels ", déformation de " Jean ".

    Pinard, emprunté au dialecte bourguignon, dérive de " pinot " qui désigne un vin de mauvaise qualité. Le degré atteint dans la médiocrité de l’indispensable boisson s’exprimait à travers une série de mots : le picolo, le brutal, l’électrique, le picrate. La gniole venait du patois champenois, la barbaque, pour la viande, est un emprunt au vieux vocabulaire de la boucherie.

    Le matériel militaire a également stimulé l’invention verbale.

    Le sac s’appelait l’as de carreau, la baïonnette reçut le gracieux prénom de Rosalie. Les grosses bombes allemandes, les " minenwerfer ", qui effrayèrent tant les fantassins lors de leurs premières explosions en 1914, étaient appelées seaux à charbon ou tuyaux de poêle.

     

    LA FRATERNITÉ ENVERS ET CONTRE TOUT

    Cependant, à cette conscience de leur solitude face au monde, les soldats donnent des réponses nouvelles. Ils découvrent la fraternité et ils redécouvrent leur appartenance à la nature. La fraternité est le grand enseignement des romans de guerre. Une profonde solidarité se noue entre les hommes d’une même tranchée, d’une même compagnie, entre les gradés et les simples soldats qui partagent les mêmes épreuves. Ainsi Dorgelès souligne-t-il l’effacement des distances entre des hommes de condition différente. L’amitié entre Genevoix, officier, et son ordonnance Pannechon, est exemplaire. Mais la fraternité, c’est celle aussi qui se crée avec les ennemis, embusqués dans leurs tranchées, à quelques mètres les uns des autres. Malgré les interdictions, nombreux ont été les échanges dont on lit çà et là de brefs épisodes. Enfin, la fraternité universelle, c’est l’espoir qui naît dans ces récits : que cette guerre soit la dernière.

    Une autre révélation est donnée aux hommes qui pendant quatre ans ont vécu sous la terre mais aussi en plein ciel. Ils ont éprouvé la beauté de l’univers et l’harmonie entre leur propre vie et celle de la nature. Les récits de guerre offrent de nombreux passages contemplatifs : la lumière de l’aube ou les couchers de soleil, la vie frémissante des forêts que les obus saccagent, l’espace illimité du ciel sont des refuges et des signes que l’univers leur donne du triomphe de la vie. Genevoix décrit la paix et l’ardeur juvénile qui l’envahissent dans la nuit " vaste et très calme " après la bataille. " La vie est belle, dit Porchon. Les paroles se pressent à nos lèvres. Nous cédons à un commun besoin d’exprimer notre joie en même temps que nos yeux l’épuisent. Peut-être, redevenus primitifs, tous nos sens rénovés par tant de lumière et d’espace, laissons-nous seulement chanter nos âmes de jeunes barbares. "

    La même onde mystérieuse que les hommes se communiquent entre eux dans la fraternité des tranchées se communique donc aussi de l’air, de l’eau et de la terre aux hommes. Ainsi, en contrepoint de l’expérience dégradante du retour à une vie archaïque, se donne cette précieuse expérience de l’unité cosmique dont l’homme n’est qu’un élément.

    Les romanciers et chroniqueurs de la Grande Guerre, s’ils ont eu l’illusion d’avoir à vivre une aventure lorsqu’ils sont partis " la fleur au fusil " en 1914, font tous le bilan amer, à travers leurs chroniques ou leurs romans issus de l’expérience, de l’imposture dont ils ont été les dupes. Leur prise de conscience paraît, selon la forme qu’a prise le récit, parfois progressive, parfois acquise d’emblée. Elle conduit les écrivains à une condamnation sans appel de la guerre, dégradante physiquement et moralement pour les hommes à qui on l’a infligée. De ces récits émergent de nouvelles valeurs, nées de la clairvoyance : celle du respect des hommes, dont l’héroïsme ne s’est pas manifesté dans l’ardeur guerrière, mais dans la résistance fraternelle à la souffrance et à la mort.

     

    D’après CLAIRE CAILLAUD, www.cndp.fr/revuetdc/