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Sport

  • Encore du foot à la télé!

     

    " "Le rendez-vous de l’amitié" : en juin, l’élite du football mondial se retrouvera en Allemagne. Le slogan souvent cité de la FIFA suggère un monde pur et beau. Pourtant, dès le coup d’envoi, il cédera la place à une dure réalité… et acquerra même une dimension politique.

    Le football – pour reprendre la définition de Bill Shankly, ancien entraîneur du FC Liverpool – n’est pas seulement une question de vie ou de mort, mais de bien davantage. C’est ce que révèlent les nombreuses situations conflictuelles résultant de la répartition des équipes nationales en huit groupes de quatre équipes. Il est rare que de vieux amis doivent s’affronter pour accéder au tour suivant ; au contraire, les rencontres constitueront bien plus souvent des rééditions de vieilles rivalités entretenues. Il est dans la nature des choses que le tournoi ne puisse connaître un déroulement paisible, puisque toutes les équipes ne peuvent gagner. Il se peut même que la violence soit parfois au rendez-vous, si l’on en croit le débat concernant le traitement des hooligans. Le potentiel de conflit lié au tour final de la Coupe du Monde s’explique par l’évolution du football moderne, car l’internationalisation de la composition des équipes de club ne donne plus que rarement l’occasion aux supporters de s’identifier à leur ville ou à leur région. Les rencontres internationales classiques semblent donc d’autant plus fortement imprégnées d’intérêts nationaux. Ainsi, les rivalités sportives qui se sont développées au fil des décennies s’accompagnent souvent de conflits potentiels que le football de club multiculturel semble avoir surmontés depuis longtemps.

    Frictions dans les 16 mètres

    Personne ne peut y échapper. La France, ex-championne du monde, par exemple, fut rattrapée par son passé colonial à l’occasion du match d’ouverture de la Coupe du Monde 2002 : la rencontre contre le Sénégal, dont l’équipe comportait de nombreux professionnels évoluant dans le championnat de France, se transforma en une défaite qui amorça l’élimination peu glorieuse de l’équipe tricolore. Le contexte historico-politique colore très souvent la rivalité sportive : à intervalles très réguliers, Anglais et Argentins se mesurent sur le gazon, avec le souvenir entretenu de la guerre des Malouines de 1982. Les frictions entre les Etats-Unis et le Mexique ne se limitent pas au "Tortilla Curtain", mais se produisent aussi de temps en temps le long de la limite franchissable de la surface de réparation. Quant aux relations de voisinage entre l’Allemagne et la Pologne, elles font de toute façon l’objet de règles particulières. Et la recrudescence actuelle du débat au sujet de l’antisémitisme et de la déportation sous-tend actuellement la rencontre prochaine du groupe A.

    Traumatisme sportif

    La liste n’est pas exhaustive, mais ces quelques exemples suggèrent déjà que le déroulement des matches s’inscrit très souvent dans un contexte qui n’est pas sans exercer une influence directe sur l’affrontement purement sportif. La durée de vie de ces différends peut facilement s’étendre sur plusieurs décennies : aux Pays-Bas, la conviction que l’équipe vice-championne du monde en 1974 était en fait nettement supérieure à l’Allemagne s’est inscrite dans la mémoire collective. Dans son livre 1974, wij waren de besten ("1974 : nous étions les meilleurs"), le journaliste Auke Kok parle d’une véritable hostilité dont les racines remonteraient à l’époque de l’occupation par les nazis. C’est dans cet esprit que s’inscrit un accessoire aussi insolite que controversé, destiné aux supporters de l’équipe néerlandaise : un casque de la Wehrmacht en plastique orange. Pourtant, il n’y a pas que les relations de voisinage à souffrir depuis très longtemps de traumatismes sportifs. C’est ainsi que l’écrivain suédois Per Olov Enquist interprète, par exemple, le succès légendaire de l’Argentine sur l’Angleterre durant la Coupe du Monde de 1986 (2-0) comme une conséquence directe de la guerre des Malouines : "Une nation humiliée s’est vengée de ceux qui l’avait déshonorée et castrée." L’analyse se livre en même temps à une incursion dans les sensibilités politico-psychologiques, puisque le pays sud-américain du machisme se serait vu blessé à plusieurs titres dans son honneur par l’Angleterre de Mme Thatcher.

    "Réchauffement climatique"

    Les médias jouent, à ce sujet, un rôle important dans l’intensification et la diffusion de ces conflits. La presse écrite en particulier contribue régulièrement à l’échauffement de l’opinion dans les pays participants. L’arbitre suisse Urs Meier en fut la dernière victime il y a deux ans. A l’occasion de l’Euro 2004, il avait dirigé une rencontre très disputée entre le Portugal, pays organisateur, et l’Angleterre, et aurait avantagé l’équipe locale selon les dires de la presse à sensation britannique, qui ne mâche pas ses mots en général : des manchettes telles que "You Swiss Banker" ou "Idiot Ref" donnèrent lieu à une avalanche d’e-mails et même de menaces de mort à l’encontre de l’arbitre, et de plus graves implications diplomatiques purent être prévenues in extremis.
    Même la neutralité politique ne met pas la Suisse à l’abri de ces débordements. A l’occasion des matches de barrage contre la Turquie en 2005, les Confédérés furent entraînés dans un nouveau « conflit sportif ». Après leur succès et leur qualification, les joueurs suisses et les délégués furent agressés dans le stade d’Istanbul… et les relations entre les deux pays se sont nettement rafraîchies depuis lors. C’est par le biais des mass media que ces crises, qui voient le jour sur les terrains de football, acquièrent ensuite une portée et une importance nationales. De plus, en raison de la grande popularité du football, les décideurs politiques cherchent souvent à se rapprocher du sport et des représentants de fédérations ; la voie de la « politisation » de l’affrontement sportif est toute tracée.
    La prochaine phase finale propose également des constellations intéressantes dans les huit groupes du tour préliminaire. Le thème du passé colonial, par exemple, sera cette fois traité par le Portugal et l’Angola (groupe D), ainsi que par la France et le Togo (groupe G), tandis que l’Angleterre retrouvera une situation chargée d’histoire dans la rencontre qui l’opposera à Trinidad et Tobago (Groupe B). D’une manière générale, ce sont les rencontres entre métropoles et colonies qui renferment le plus de conflits politiques, mais l’absence de ce type de relation directe n’empêche pas l’agitation suscitée par l’affrontement entre l’Europe et l’Afrique. La rencontre entre l’Italie et le Ghana (groupe E), par exemple, sera placée sous le signe d’un regain de racisme déclaré, qui a franchi un nouveau degré cette saison dans la Serie A, la première ligue italienne.

    Initiation aux relations internationales

    Outre les conflits géopolitiques, un autre genre de conflit saute aux yeux : le face à face entre l’Australie et le Japon (groupe F) opposera deux pays dont l’opinion résolument divergente concernant la pêche à la baleine a occasionné de graves dissonances diplomatiques en 2005. Les divergences ne manquent pas non plus au sein du CAFTA, accord de libre-échange entre les Etats-Unis et les pays d’Amérique centrale, même si, à vrai dire, un affrontement direct entre le Costa Rica (Groupe A) et les Etats-Unis (Groupe E) paraît peu probable. En revanche, des partenariats commerciaux seront mis plusieurs fois à l’épreuve : avec la Tunisie et l’Arabie saoudite s’affronteront deux membres de la Ligue arabe qui entretiennent des relations culturelles et économiques étroites et convoitent tous deux, dans le groupe H, une place en huitièmes de finale.
    En dehors du contexte politico-historique, la dimension économique constitue donc une deuxième approche permettant de décrire les conflits latents liés au tirage au sort de la Coupe du Monde. En conjugaison avec les rivalités sportives, il en résulte ainsi un charmant panorama de conflits… une sorte de cours d’initiation aux relations internationales. Dans le football, le monde se présente sous un angle étonnamment politique. "

    D'après Christoph Bieber sur Arte-tv.com

    Enfin, un peu de tendresse humoristique dans ce monde footballistique de brutes...

    http://www.arte-tv.com/fr/connaissance-decouverte/foot/Jeu-concours_20/1166518.html

     

    Doriane Purple