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pop

  • Michael Hutchence, Michael Jackson, George Michael... Adieu Michael de la pop de mes heighties...

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    La fièvre m’envahit. Un froid incompréhensible me réveille dans un frisson mortifère. Je suis transi et mon corps est pris, au cœur de la nuit, de violents spasmes musculaires, alors que je sens et ressens pertinemment que l’obscurité de ma chambre n’est pas aussi froide. Est-ce donc une chambre froide au sein de ma dernière demeure ? Je demeure indécis… Est-ce là ce que l’on ressent au seuil de la porte ultime avant le grand pas vers l’éternité ? Peut-être... Je ne pourrais jamais en témoigner, seulement sentir venir le grand froid de la lame glacée de la Faucheuse et mourir. Non, ce n’est qu’une petite mort sans plaisir aucun, qu’une fièvre de cheval qui me cloue au lit et non dans mon cercueil, avec la gestuelle dérisoire d’une chenille larmoyante, condamnée à n’être jamais un fier et orgueilleux papillon, même l’espace d’une nuit. L’aube rougeoyante apparaît, ne levant aucun de mes cauchemars de la nuit. Je suis suant d’efforts et d’insomnie. Je suis une larve inachevée qui rampe avec peine du lit au canapé pour voir entre deux cils collés l’éblouissement du jour nouveau. Toute la journée passe en trombe avec cette impression tenace d’être trop lent pour saisir l’instant. Je dois pourtant lever ce corps fébrile et fatigué afin d’aller au rendez-vous de ma jeunesse, même si cela commence sous de funestes auspices : le concert toujours ajourné de mon idole pop du début des années 90, George Michael. Son icône trônait à l’époque de mon adolescence sur les murs jaunes de mes seize ans. Depuis l’image pieuse s’est jaunie: j’ai aujourd’hui le double en âge et la passion musicale forcément fugace de cette époque s’est peu à peu éteinte avec mes illusions. Il n’en reste pas moins que je ne peux pas faire faux bond ni à lui, ni à mes seize ans. J’ingurgite nombre cachets contre la douleur, contre la fièvre, contre le rhume, contre la maladie, contre la fatigue, contre tout et n’importe quoi et encore contre la douleur. Je me lève enfin, l’air hagard et fiévreux et je m’élance avec mon bon vieux bolide félin anthracite dans le crépuscule du jour agonisant. Les kilomètres défilent dans le paysage méditerranéen, déchiré par la lame de bitume noir de l’autoroute. Thalassa ! Thalassa ! Thalassa ! La mer : ce n’est pas une délivrance, au contraire, je ne peux pas aller plus loin. Toulon, destination finale de mon périple, avec ses marins à pompons et ses bars à filles. Tout marin a une fille dans chaque port et certaines filles ont un marin dans chaque bateau. Perdu corps et âme, je m’arrête sur un boulevard fréquenté pour demander ma route. Le renseignement pris, je rejoins ma voiture, nauséeux. Je remonte les rues embouteillées, telles de minuscules porte-avions. Dans l’air iodé, se mêlent les effluves marins et pétrolifères. Mers bleues et mers noires se confondent et ballottent allègrement ma tête dans une céphalée tempétueuse.
    Tout à coup, des voitures échouées parsèment et jonchent les berges des rues. J’approche du vortex attractif de la salle Zénith Oméga. Je parviens au milieu de ce grand cimetière marin et je m’échoue sur un trottoir rocheux. Je suis livide dans cette nuit sans lune. Quelques provisions de survie me rendent quelques forces et je reprends ma route à pied, toussant et crachotant, vers ma fin, mon oméga, suivant le courant toujours plus dense et rapide des survivants d’une époque révolue. J’aperçois enfin la salle de concert, vaste et fier paquebot aux énormes hublots vitrés. Je me retrouve au milieu de la foule : j’entre dans le ventre de ce monstre humain, aux multiples bras, têtes et jambes. Le flot des corps s’engouffre dans la salle centrale. La fosse se remplit trop rapidement. Un grand arc de cercle, peuplé d’une foule sans jambes, domine l’ensemble. Je m’insinue poliment dans la densité humaine pour m’approcher le plus possible de la scène. Je ne suscite que des râles et des protestations d’agonisants. C’est nouveau pour moi ce genre de réactions dans un concert. Satané concert pop ! Je m’immobilise donc, avant de me faire lapider à coups de portables. Les lumières tombent. La horde de fans languissants, trentenaires et quadragénaires réunis, hurle à l’unisson le nom de George Michael. Ledit chanteur apparaît enfin. Fiat lux ? Pas véritablement, j’ai un petit sourire amusé : c’est plutôt marrant de le voir en chair et en os. Mais pas de frissons exaltés, pas de joie intense, pas de cri noué dans la gorge. Juste un peu d’étonnement et d’amusement. Je regarde, incrédule, la foule en liesse, communiant avec son gourou dans cette grande messe musicale et je reconnais alors les préados et les ados des clips des années 80, de Wham et du George Michael chanteur naissant. Ils ont perdu leur physionomie fluette, leur brushing, parfois leurs cheveux. Elles ont perdu leur minois juvénile, les cernes, cicatrices de la vie constellant leur regard malgré le blush du maquillage. Mais les voix enfiévrées et perçantes sont toujours là, surtout au passage d’un vieux tube des années 80.
     
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    J’ai envie de partir. Je ne suis pas à ma place ici. Cela fait longtemps que ce n’est plus ma place. Je ne danse pas, je n’applaudis pas, je ne souris plus. J’observe uniquement George Michael. Je reste stoïquement pendant tout le show, un peu ennuyé par mon manque de ferveur et d'énergie. Je reste finalement, non pas pour me souvenir, mais pour mes souvenirs. Il ne reste finalement que de très flous souvenirs bleus…
     
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    Malgré tous ses efforts louables et appréciables, je ne suis plus fan. Careless Whispers et Freedom 90 ponctuent deux rappels. Pour moi, il n’y aura plus de rappels : ce ne sont plus que des murmures insouciants qui signifient ma liberté. Adieu George, adieu la pop, adieu ma jeunesse… J'ai perdu la foi...
     
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    Je sors parmi les premiers. Je rejoins ma voiture dans la nuit. Sur l’autoroute, je mets Pearl Jam à fond. Quitte à me souvenir, j’aurais dû aller à Marseille voir les vieux grungies, j’aurais peut-être été moins déçu, qui sait : il paraît que leur rage juvénile a ressurgi accompagnée de leurs cheveux longs, de leurs cris hystériques et de leurs chorégraphies de condamnés à la chaise électrique, de condamnés à vivre… Et m…
     
    Doriane Purple