Chute mortelle ?
Dans mon esprit embrumé, le vidéoscope sombre de mes souvenirs oniriques diffuse le conte du Blade Runner. Les murmures ouatés de la fable semblent être portés par la brise de la nuit diurne.
« J'ai vu tant de choses que vous humains ne pourriez pas croire... De grands navires en feux surgissant de l'épaule d'Orion. J'ai vu des rayons, des rayons C briller dans l'ombre de la porte de Thanahauser...
Tous ces moments se perdront dans le temps... comme les larmes dans la pluie...
Il est temps de mourir...
- Je ne sais pas pourquoi il m'a sauvé la vie. Peut-être qu'en ses derniers instants il a aimé la vie plus que jamais, pas seulement sa vie, celle des autres, la mienne...
Tout ce qu'il voulait, c'était les réponses que nous cherchons tous. D'où venons-nous ? Où allons-nous ? Combien de temps avons-nous à vivre ? Et tout ce que je pouvais faire, c'était le regarder mourir... »
La frontière entre la vie et la mort est frêle, fugitive comme un instant d’éternité, un souffle exhalé, le frôlement métallique d’un regard assassin, ou encore le rebord glissant d’une fenêtre contemplant le vide. Les témoins de la mort d’autrui ne s’incarnent le plus souvent qu’en acteurs passifs et entravés face à l’inéluctable reflet tout à la fois pâle et sombre de leur fin prochaine. Parfois, cependant, tandis qu’accroupi mollement au bord du gouffre, vous vous extasiez, dans un somnolent délire alcoolique, devant la brillance mystique du soleil des loups maraudant au milieu des moutons nébuleux, un bel ange gardien éthéré peut vous apparaître dans un cri prédestiné et vous retenir d’une main ferme et sonore dans le monde des vivants en sursis, alors même que, d’un battement d’ailes illusoires et ridicules, vous alliez vous élever vers la profonde noirceur percutante de la terre, poussé uniquement par votre insouciance orgueilleuse. La vie ne tient qu’au fil tendu des Parques, qu’au fil ténu des amours qui nous retiennent en ce bas monde, qu’au fil nostalgique de nos souvenirs du futur.
Doriane Purple