I alone
Doriane Purple
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Doriane Purple
Voici enfin le retour des Foo Fighters sur notre bon vieux terroir franchouillard...
C'est vrai, finalement, en y regardant de plus près, que les Sardine Fighters semblent hurler :
" Ah qu'est-ce qu'on est packed au fond de cette box!"...
Doriane Purple
Parfum de souvenirs heighties sur la nuque fragilement brune et éphémère d’une chevelure trop rapidement passée.
Vision fugitive de mon passé inscrit en italique sous la semelle ferrée d’une botte modiste italienne.
Toto Cutogno dans l’air des années de ma prime jeunesse voletant dans le prime time de cette soirée d’avril blagueur.
Mon ami d’enfance Andrea et moi, infatué de mon infantilité précoce, parodiant déjà L’Italiono en chantant de concert "Lasciatemi …passare con la minestra in mano" devant le visage écarlate de la mia nonna alors tellement vivante, rieuse et complice de notre prime jeunesse insouciante, embrassant tendrement sa soupe onctueuse et fumante dans ses bras, en contrebas de notre maison piémontaise, au sein d’une vallée alpine fraîchement parfumée des intempéries estivales.
Parfum incommensurable et lacérant de glaces italiennes ingurgitées avec une satiété et une gourmandise indécente sans frustration aucune, sous la chaleur douce et dilettante de la plaine chanceuse du Pô.
Parfum affreusement subtil de la nostalgie enfantine…
Parfum extatique de vomissure acerbe et annoncée de l’âge adulte…
Goût acéré et aciéré de ma salive aux accents métalliques…
Goût véritablement alcoolique d’une bouteille faussement dry ingurgitée avec âpreté sous le ciel sombre et étoilé d’un parking faussement plein d’âmes mécaniques au repos dans une moiteur trompeuse…
Rendez-vous tant de fois manqué avec le destin chancelant et pantelant d’une vie qui ne s’annonce déjà que derrière soi…
Rendez-vous cosmique avec mon néant intrinsèque…
Rendez-vous flagrant avec mon ennui profond sans médication pour l’apaiser, sans même un pudding morphina…
Il me semble devenir fou, mais ne suis-je pas sur le seuil physique de la nef des fous ?…
Je regarde les étoiles par la fenêtre vitreuse de mon désespoir latent durant un léger instant d’éternité, puis je m’engage enfin vers la voie de la déraison. L’air frais du soir me fouette le visage et les sangs. Je laisse définitivement, le crois-je en cet instant peu fatidique, ma compagne d’un soir, allongée sur la banquette arrière, satisfaite et vidée de son moi profond. le goulot offert et la poitrine rigide et chirurgicalement inesthétique se soulevant en soupirs purement satisfaits. Elle resplendit sous la lune fauve. Son T-shirt de verre respire à travers les lettres de son nom gravé dans ma mémoire déjà vacillante, MARTIN… E ou I… Ma vue se trouble désormais… J’ai atteint mes limites.
Goût inavoué, obscur et exotique de l’oubli annoncé…
Oubli intrinsèque de l’âme…
J’ai l’humeur alcoolisée d’un été déclinant à jamais commencé…
Je me disais bien que c’était une erreur d’être là, dans ce guet-apens purement provincial de ma solitude trentenistique, dans cette fosse plénière aux allures faussement dégradées …
J’en suis là de mes élucubrations ténébreuses entre deux relents de gorgées d’alcool faussement frelaté quand l’appel quasi-religieux de Toto Cutogno me fait converger vers cette nef pullulante des fous…
Sono un italiano vero ! ?
Ombre soudaine dans la lumière âcre de la salle hétérogène. Les familles s’installent délicatement sur les gradins dégradants. La salle salie est alors un mille-feuilles au ton et au teint d’une pyramide des âges incomplète. Les générations se côtoient pour mieux s’exclure. Tandis que les parents traînent leur gêne adulte voire adultérine ; les filles traînent tout simplement leurs parents… Pourtant une fraîcheur envahit paradoxalement le public comme une vague océanique effrontément en marge tandis que la scène se met en place. Un cœur d’or de pirate avait envahit auparavant la scène comme une vague vague océanique éclaboussant l’auditoire atone. Première partie pour ce pirate d’anagramme. Ce trésor perdu du Nouveau Monde s’en va couler dans les flots des coulisses, le ressac l’emportant de manière vaporeuse sous les frous-frous d’une robe crémeuse et sous les tatouages vengeurs d’un vieux loup de mer afin de mieux annoncer la tempête hypothétique se préparant rageusement. Le véritable flibustier, le pirate à la chevelure en pagaille, le trompettiste de la mort sabré au champagne voire à la bière, n’a pas encore exalté son abordage viscéral et cynique. Il est là, dans l’ombre de sa destinée, l’œil acerbe et la chevelure hirsute aux aguets, afin de mieux sauter sur le nouveau bastingage.
Mais pour l’heure, j’ai de nouveau besoin d’un petit remontant à ce reflux illusoirement écumant. Adieu province cousine, adieu accent froid mais régénérant. La soif est la plus forte. I need someone or something. Dans ces bords de mer sentant le naufrage je m’en vais jeter ma bouche pute sur une bouée de Malibu aux formes alertes et généreuses de série pamela andersonnienne, mélange subtil de vierge madonne se roulant dans l’écume sépia à aileron caudal, de néo-Elvis black and white dansant avec une Helena Christensen à demi-nue faisant chanter toutes les sirènes des sauveteurs apolliniens, et de cheval marin de Renaud morgane de Lolita ou d’une Bambou gainsbourgienne à demi-vêtue de jeans écaillés.
Je suis lâche et confus mais tellement imbibé d’embruns que j’en disconviens aisément sans rechigner… Je reviens avec mon bateau ivre vers ces rivages tout à la fois funestes et salutaires… J’ai peur de ne plus pouvoir rentrer : mon paternel m’a laissé tomber il y a bien longtemps, mais l’alcool vieillissant me fait passer dans le flot jeuniste et mugissant. Je suis là et je reste las. Est-ce là encore un de mes fourvoiements erratiques ? Michael Hutchence, Mickey Rourcke, James Dean au faîte de sex-appeal, défilent encore dans les yeux frivoles et hormonaux des jeunes filles en fleurs qui me dévisagent, mais je suis déjà un Dinosaur Junior, un Freaky New Child, symbole flagrant et anecdotique du passé, ayant les attraits morbides de mon âge grandissant : la langue pendante du premier, le visage tuméfié du deuxième et le crâne écrasé par la chute d’accélération du dernier . L’envie me prend de m’enfuir devant la diligence indigente de mes propres peurs… Mais je reste ballotté par le reflux d’un liquide aquifère trop rapidement ingurgité. Quarantièmes rugissants, quand tu nous tiens ! Je suis tant victime des assauts de ma tempérance trop tartuffienne que je me laisse choir à distance dans un coin obscur de l’avant scène, les murs ombrageux assombrissant mes perspectives à courts termes. Le rideau tombe de manière incongrue sur cet avenir illicite. Je suis saoul de mes propres divergences, de mes propres transgressions, de mes propres folies divinatoires.
Toto Cutogno m’assaille de plus belles de ses tempérances divagatoires. Ouie-je bien ?
Sono un italiano vero ! ?
Un ange blond passe alors, purement divinatoire, résultante escomptée de mes désespérances.
Un Julien Doré à la crinière léonine à la barbe d’un faux Lénine entre dans l’arène vague et troublante.
Relent d’Italie stéréotypée ? Pâte folle, patte folle sur son tabouret branlant qui s’émancipe des convenances troubles de l’auditoire intimidé. Renversant, non ? Renversant à double titre, oui ! Le timide s’extériorise peu à peu : sudation virginale recueillie dans le calice spongieux d’une serviette peu hygiénique, petits crachats entre amis, dessappement progressif et alternatif en bon et du forme, déhanchement elvisien, décoiffage en règle, renversement de situation, jouant de son corps comme d’un instrument de musique, art qui reste son violon d’Ingres à défaut de son piano lys.
Les minutes s’étiolent dans sa parfaite attitude et béatitude. La rock attitude s’émancipe peu à peu des sapes de mon amertume acéré d’épine d’acacia. Le public de masse n’arrive pas à suivre en masse, éloignant le spectre angélique d’une communion avec l’archange blondy. J'aime pas ce peu d’engouement statique dans un concert.
Il faut se rendre à l’évidence ; c’est bien la première fois que je verrai un concert de bout en bout, et non par petits bouts : aucun pogo me lançant dans l’embarras d’une transe compulsivement chorégraphique et aucune tête hirsutement chevelue de punk à demi-défoncé heurtant frénétiquement mon point de vue.
Seuls quelques portables insupportables portés à bout de bras par des adolescentes lilliputiennes et générant de froids souvenirs factices, me renvoient une mise en abîme un peu abîmée de la scène distante de peu qui, à mon plus grand plaisir, les teinte d’une couleur plus rock que l’album trop conceptuel, trop pop, trop doux et pas assez amer dans les arrangements musicaux à mon goût. Enjoy the noise or enjoy the silence, la question ne se pose plus pour moi depuis longtemps… Je suis un adepte du bruit et de la fureur faulknerienne… Un Iggy Rock jusque par delà la retraite agitée avec toujours autant de décaunes! Tel est mon côté oscur !
Je m’octroie une pause salutaire. L’alcool fort a ses avantages que n’a pas la bière mais il ne faut pas prendre ses vessies pour des lanternes ; je ne peux nier l’évidence : il me faut trouver des vespasiennes vespérales. J’erre prudemment dans le décorum avec le sourire béat d’un con damné à mort. Des bulles de métal s’offrent à moi, limpides et claires. J’entre dans le lieu culte pour soulager mes angoisses masculines éphémères mais cycliques.
Je me trouve dans l’antichambre du soulagement du soudard soulard que je n’aurai pas pu être, même en d’autres époques, satisfait par anticipation de mon exagérée fierté virile, à défaut de virale bien mal placée.
Mais voilà que dans l’ombre de ces vespasiennes totalement désertes et sèches se dresse l’ombre incongrue d’un autre italien perdu dans mon délire nostalgique : il se dresse gaillardement devant le mur d’infamie, concentré sur son tir précis et ciblé. Sa physionomie illicite me dégrise quelque peu. L’image se retourne dans un sursaut soulagé pour mieux sortir de l’affiche rock’n rollesque. C’est le double magnanime tapi dans l’ombre de Julien Doré : Julien Francioli.
Je ranime mes quelques neurones valides pour lui attester de ma surprise et de ma reconnaissance soudaine. Voici en substance l’altercation verbale :
« Ah, oh… Salut ! dis-je un peu hésitant le reconnaissant au travers de ma brume alcoolique.
-Euh…salut, répond Julien déjà un peu gêné d’être accosté par un mec au sortir de sa remontée de braguette.
- Sacrée soirée( sic !)… Vous passerez le bonjour à … Julien Doré !
- Oui… répondit poliment Julien en allant se laver les mains dans un geste qui fait honneur à son hygiène.
- Euh…Vous passez dans le coin avec votre groupe (Dig Up Elvis, NdA).
- Ouais, on passe à Montpellier et à Marseille, s’applique Julien de plus en plus embarrassé…
- Bon, je ne vous gênerai pas plus ; j’ai des choses à faire, montrant en rigolant les urinoirs offerts. »
Fin de la conversation et passage de la porte de sortie de l’interview instructive. Je me retrouve face à la glace et part d’un grand éclat de rire. Instant diaphane de légèreté incongrue. La fraîcheur de l’instant domine sans préambule, sans aspérité, sans épilogue aucun. Dommage pour le concert de Montpellier déjà passé et pour celui de Marseille aussi, étant absent de la région à cette date ; une autre fois sûrement…
Je vais me perdre de nouveau dans la foule affolante.
Le public reste atone comme celui de The Cure au club du troisième âge de Drucker (si c’est les champs élyséens de l’au-delà, autant qu’on me jette dans le gouffre du Tartare) : même pas de frénétiques cris pré-féminins comme je m’y attendais avec une certaine constipation, crispée, pas de "Juju" larmoyants et effervescents ou de "Je t’aime" frénétiquement illusoires. S.0.S. In Uruguay ? Pas même de litanie de regrets, ersatz d’Alcools:
Il avait de grands yeux très clairs
Où parfois passaient des éclairs
Comme au ciel passent des orages.
Il était plein de tatouages
Que j'ai jamais très bien compris.
Son cou portait : «Artiste » pas pris
Sur son cœur on lisait : «Marcel Duchamp »
Sur son bras droit un mot : «Dig up Elvis » hors champ.
Il m'a aimée toute la nuit,
Mon Apollinaire !
Et me laissant à mon destin,
Il est parti dans le matin
Plein de lumière !
Il était minc', il était beau,
Il sentait bon le spotlight chaud,
Mon Apollinaire !
Y avait du soleil sur son front
Qui mettait dans ses cheveux blonds
De la lumière !
Bonheur perdu, bonheur enfui,
Toujours je pense à cette nuit
Et l'envie de sa peau me ronge.
Parfois je pleure et puis je songe
Que lorsqu'il était sur mon cœur,
J'aurais dû crier mon bonheur…
Mais je n'ai rien osé lui dire.
J'avais peur de le voir sourire !
J'sais trop bien son nom, je sais tout d'lui.
Il m'a aimée toute la nuit,
Mon Apollinaire !
Et me laissant à mon destin,
Il est parti dans le matin
Plein de lumière !
Il était minc', il était beau,
Il sentait bon le spotlight chaud,
Mon Apollinaire !
Y avait du soleil sur son front
Qui mettait dans ses cheveux blonds
De la lumière !
On l'a trouvé sur une scène.
Il avait ses beaux yeux qui assène.
Dans le ciel, passaient des nuages.
Il a montré ses tatouages
En souriant et il a dit,
Montrant son cou : «Artiste» incompris
Montrant son cœur : « Ici, personne. »
Il ne savait pas… Je lui pardonne.
J'sais trop bien son nom, je sais tout d'lui.
Il m'a aimée toute la nuit,
Mon Apollinaire !
Et me laissant à mon destin,
Il est parti dans le matin
Plein de lumière !
Il était minc', il était beau,
Il sentait bon le spotlight chaud,
Mon Apollinaire !
Y avait du soleil sur son front
Qui mettait dans ses cheveux blonds
De la lumière !
J'rêvais pourtant que le destin
Me ramèn'rait un beau matin
Mon Apollinaire,
Qu'on s'en irait seuls tous les deux
Dans quelque backstage merveilleux
Plein de lumière !
Il était minc', il était beau,
On l'a mis sur les planches à chaud
Mon Apollinaire !
Y avait du soleil sur son front
Qui mettait dans ses cheveux blonds
De la lumière !
Rien de tout cela : je me laisse uniquement bercer par la musique scénique, montant de plus vers la frénésie d’une russian roulette.
La tension monte sur la scène titre après titre, mais la mayonnaise ne prends pas véritablement dans le public, trop disparate, trop éclectique, trop généraliste, trop enclin à voir la belle gueule. C’est effroyablement dommage alors que la scène se révèle plus rockailleuse que l’album, pour son plus grand bien, le chanteur décalé se révélant de plus en plus rock, de plus en plus tressaillant, de plus en plus tressautant, de plus en plus chaleureux, de plus en plus subodoré à sa sudation et de plus en plus défroqué avec Sharko mais sans Sarko, et sans l'italienne Carla, la First Lady actuelle. Révélant de plus en plus son côté obscur, le dandy se dandine devant ses figures imposées...
Tempête de chiens galeux des mers, tremblement de terre localisé d’aigle déchu sur l’Aquila quotidien écrasé par le G8 luxueux distant, indifférent et méprisant.
Rien n’y fait, le tsunami ne fait que des vagues clapotantes dans le public trop jeune. La mer reste d’huile malgré la ferveur rock’n’rollesque du capitaine qui tient la barre. Quelques clapotis de ci de là, mais aucune houle da la foule et aucune vague déferlante de rage contenue. J’en ai presque le mal de mer, mais j’ai pris ma médication en prévision, alors j’attends, j’entends et j’écoute avec mes Brown Ears grandes ouvertes les éructations de ce navire qui n’aspire qu’à couler la mer d’huile ambiante.
La lumière décroît dans mon cerveau exsangue en même temps que sous ce plafond ravageur de perturbations météorologiques. Soudain éclair de lumière transperçant la rétine et la conscience.
C’est la fin ! ? La foule lente et grégaire s’écoule vers la sortie discrètement. Mais alors qu’une partie de la salle s’est déjà vidée, une vague imprévue revient mettre une claque rafraîchissante. Un unplugged se met en place rapidement, noyé de façon espiègle au sein de la houle et de la foule de fin de soirée, comiquement simple et généreux, simplement véritable et convivial, purement original et porteur d’émotions. Puis Julien le Belge d’adoption nous convie à partager une bière au bar attenant à la salle. Rendez-vous pris par un certain nombre de jeunes filles plus ou moins fanées et par moi-même. Je ne prends rien de plus, je suis en phase de décrue .J’observe dans mon état bienheureux les têtes de frères de la côte qui s’agitent de part et d’autre vers un salut illusoire. Je sais trop bien l’inutilité de cette agitation vivace mais je me tais, puis j’oublie… Le bar devient bientôt une rade où viennent s’échouer les illusions de jeunesse de sirènes en besoin affectif.
Les hormones pleuvent tout autour de cette grève aux ormeaux, mais je me noie dans mon propre ressac dirigé misogyne. Je plonge dans les séries de vagues ininterrompues qui frémissent autour du récif Julien Doré. Mais ce n’est plus un roc résistant aux forces qui l’assaillent, il se révèle un frêle esquif porté doucement par les flots qui de rageurs se sont adoucis à son proche contact. Je suis véritablement frappé par la fraîcheur de son âge (Serait - ce un signe de mon âge vieillissant ?), de sa fragilité encore enfantine, de sa vulnérabilité face au malstrom soudain de sa célébrité, de sa disponibilité patiente, rieuse mais parfois inquiète, tranchant fondamentalement avec son image publique ou son comportement de pirate véritable en branle bas de combat sur scène. Je suis à moins d’un mètre de lui, derrière le premier front de Walkyries autographiques. Nos regards se croisent illusoirement … Rencontre entre deux timides maladifs. A lui, la scène, à moi l’alcool pour combattre le même mal. Par bravade, je ne dévêtirai pas mon torse pour que me sois inscrit un tatouage éphémère : « ceci n’est pas un autographe » ! Je ne franchirai pas le pas.
Je me laisse emporter par le ressac vers des cieux plus éloignés sans regret, avec une joie intérieure partagée. Je me retrouve sur le parking béant, face aux étoiles. La nuit s’éveille. Mon sang et surtout ma vessie ont éliminé les restants de toxines de dépravation alcoolique de mon organisme fatigué. Je reprends le contrôle de ma nef mécanisée de Premier ministre roumain, de ma Dacia bleu nuit. Je pars dans les confins lointains de mon sommeil prochain, quand soudain mon étrave de tribord avant s’effiloche à pleine vitesse sur un écueil non répertorié sur mes cartes de bord, sur un récif sournois qui m’échoue dans une presqu’île sombre où je dois réparer le dommage avant de repartir seul, tout seul vers un repos bien mérité rempli de rêves de pirates.
Excellent ! unplugged or not, quand même malgré le côté obscur de cette fin de soirée.
Eh, Mister Blondy, que dites-vous de cet abordage sur la frégate rock faussement terrienne des vieilles charrues ? Avez-vous eu plus de frissons pleins d’adrénaline face à cette marée rockailleuse ?
Pour me donner une réponse, rendez-vous à Winnipeg, à Helsinki, à Novara, ou bien au delà, voire plus simplement sur la toile.
Sono un italiano vero !
Ciao !
KURT COBAIN : ABOUT A SON
AJ Schnack - documentaire USA 2006 1h35mn VOSTF - D’après les entretiens réalisés par Michael Azzerad pour le livre Come as you are : The story of Nirvana..
"C’est quoi cette arnaque ? Un documentaire sur Kurt Cobain, le leader de Nirvana, sans presque aucune image de Kurt Cobain, et sans même la musique de Nirvana ? Allez, calme-toi mon(ma) jeune ami(e) ! Parce que, bien au-delà des apparences, Kurt Cobain : about a son est probablement le truc le plus intelligent réalisé sur le chanteur, à mille lieues des scandales et des polémiques sur sa fin tragique et ses relations houleuses avec la belle et déjantée Courtney Love. Le film est entièrement construit à partir de vingt cinq heures d’entretiens audio réalisés (essentiellement la nuit sur la table de cuisine du chanteur) pour le livre incontournable de Michael Azzerad, le tout porté par les images des lieux qui ont marqué la jeunesse et les débuts de Kurt Cobain et de Nirvana, avec en bande son toutes les musiques qui ont construit l’imaginaire sonore de Cobain, depuis Queen jusqu’à la scène punk américaine et européenne.
On rentre ainsi peu à peu dans l’intimité du chanteur et on a l’impression de comprendre, à la manière d’un puzzle qui se construit pièce après pièce, toutes les clés de ce qui a fait l’unicité de Nirvana et la singularité de son chanteur devenu icône.
On ne va pas vous présenter Kurt Cobain et Nirvana tout de même ? Allez on a pitié des plus jeunes (c’est vrai que Kurt a eu la mauvaise idée de se foutre un coup de carabine en 1994, ça fait déjà quatorze ans) ou de ceux qui auraient été cryogénisés au début des années 90, quand un petit bouseux timide venu du Grand Ouest américain (Seattle, tout en haut à gauche à côté du Canada) a imposé un truc étrange musicalement, mélange de punk sauvage et de pop suave tout à l’image de lui qui était tout en violence et douceur enfantine. Il a aussi imposé un style, et une mode, le grunge, qui a permis à tous ceux qui étaient fauchés, portaient des jeans troués, des baskets défoncées et des sweats informes ou des chemises de bûcheron d’être soudainement super hype.
Le documentaire de AJ Schnack (c’est terrible ce nom qui claque comme une marque de céréales) suit tout l’itinéraire de cet adolescent tourmenté né dans une famille pas super terrible, au trou du cul de l’Amérique : Aberdeen, non pas en Ecosse mais dans l’Etat de Washington, avec pour seul avenir possible un boulot dans une scierie. Avec cette aspiration d’adolescent blanc paumé et fauché, tout droit sorti d’un film de Gus Van Sant, d’être un gars différent au lycée sans vraiment y parvenir. Puis ce sera le voyage vers Olympia, la ville bohême où il devient SDF plus ou moins heureux et où il découvre la scène punk, la liberté, le sexe, la drogue. La drogue, il en est question évidemment, et sans complaisance, ni faux repentir : Cobain a grandi avec la drogue, avant tout comme substitut à ses douleurs psychologiques et physiques qui ont pourri toute sa courte vie.
Et face à la fascinante confession audio de Kurt Cobain, les images des lieux qu’ils a fréquentés se succèdent avec un travail plastique passionnant, le film étant divisé en trois parties correspondant aux trois villes où il a vécu : Aberdeen la verte et organique ville forestière, Olympia la pop et colorée ville de toutes les découvertes et Seattle enfin, la mégalopole minérale où Nirvana est parvenu au succès mondial, le tout servi par les photographies magnifiques de Charles Peterson. Et plus l’image vire au noir et blanc, plus on sent la dépression envahissante de Kurt, et la fin tragique et inexorable qui s’approche, laissant plein de mystères et de non-dits sur un destin qui a rejoint la grande légende sanglante du rock’n roll."
Déchirement strident de l’émail blanchâtre de mes dents sur le métal sirupeux de la carcasse aciérée de ma voiture lancée à pleine allure sur l’autoroute mortifère de mes chants du crépuscule. Je m’endors sous la tempête bruitale de l’orage extérieur et sous le déferlement tempétueux de ma rage musicale intérieure. Tout à la fois bon et mauvais présage que cette bassine d’eau dégoulinante aux airs de damnées Danaïdes s’épanchant continûment sur mes lave-glaces et obscurcissant mon avenir au delà de dix mètres ! Cette inclinaison pleureuse des cieux m’invite à me souvenir d’un concert incertain d’un certain Marilyn Manson aux portes grecques d’une Massilia inondée et inabordable, seulement peut-être avec le temps doublée dans ses embruns routiers, et annulé pour cause improbable de maëlstrom cataclismique finalement tombée sur la Montpellier tout à la fois puritaine et estudiantine, il y a déjà presque quatre ans... Adieu cabaret impudique de la faible République de Weimar des années 30 qui fit place aux spectres assassins de la Wehrmacht.
Une accalmie dans cette haute mer aux vagues ravageuses. J’aperçois déjà les toits haut dressés de la Lyon tentaculaire et tentatrice, la fin du périple, à moins que ce ne soit le début d’un autre voyage plus lointain, vers ma propre existence qui se dissout dans le flot de mes souvenirs…
Chants du Crépuscule qui me susurrent jusqu’à la folie leur mélodie entêté et entêtante d’âme damnée à survivre. Lyon tant haïe, Lyon tant aimée, Lyon tant rejetée, Lyon tant vénérée, Lyon tant redoutée, Lyon tant rêvée. Mon pauvre cœur exsangue est resté empalé sur l’autel pourrissant de ma jeunesse folle et de ma passion dévorante.
Je rentre dans ce cimetière de mon âme et de mon Amour, la bile me remontant dans la gorge. Tout a tellement changé depuis l’aube de ma vie… De nouveaux immeubles étalent leurs flancs juvéniles sortis fraîchement de la Terre, leur mère traîtresse. J’ en crève, j’en vomis mes tripes adipeuses, j’en éclate mes tympans exsangues…
Après une traversée dans les chemins boueux de cette nouvelle extension urbaine, je m’arrête, à bout de souffle godardien, dans un parking, attenant à d’immondes immeubles de bureaux, maintenant assoupis après la trépignation incessante de la journée affairée et affairiste. Chants du crépuscule incessants, vrillant ma raison déjà déclinante…
Comme Orphée, je commence ma descente aux Enfers. Mon gardien des mondes souterrains a une double vision comme Cerbère mais s’appelle du nom plus trivial mais plus machiavélique et traîtreusement plus doux de Piňa Colada. Au lieu de s’endormir, c’est lui qui vous endort et vous mène au pays des rêves, à moins que ce ne soit celui des cauchemars… En tout état de cause, je rentre dans une obscurité sensuellement opaque ; en un mot, je suis noir, un ricanement sardonique arboré sur mes lèvres repues de vampire évanescent, auquel les sourires complices et paradoxalement chauds des corbeaux gothiques s’agglutinant autour de l’épicentre réunionité, répondent d’un air entendu. J’erre de ci de là vers la bouche béante de la salle de concert, bouche sombre parmi tant d’autres de mon Enfer personnel, voire personnalisé. Les petits démons raguaillardis de ma jeunesse spectrale m’invitent de leurs petites mains griffus et chaleureuses, sous les feux de la rampe de la mémoire. Je m’engouffre donc sciemment dans mon ma petite mort décidée avec le désintérêt faussement apparent d’un dandy pédant.
Mon premier geste est bien entendu de me sustenter en boissons alcoolisées grâce mon maigre pécule à offrir à Charon pour traverser une nouvelle fois le dangereux mais chaleureux Styx. Accoudé au bar du dernier rivage, je fume ma dernière cigarette de condamné à l’échafaud, lorsqu’un vigile hautement vigilant de la salle de concert, tel un requin appâté par l’odeur aquiline du sang, fond sur moi, et m’octroie le devoir impérieux d’éteindre ce sceptre de Dame Mort. Je m’exécute après certainement un regard aussi compatissant que stupide, en écrasant ma cigarette mortuaire sur la paume de ma main en effectuant un va-et-vient efficace, subjectif, provocateur, concupiscent et énergiquement avare, me brûlant la main dans un moindre degré, du fait du geste lui-même et surtout de l’alcool impunément imbibé. Le gardien impassible détale bien vite avec une moue dégoûtée devant cette hystérie faussement collective. Un concert métal où la moindre cigarette à tabac est exclue, voilà bien l’hérésie, l’incurie et l’hypocrisie de notre époque ! Je me dirige donc avec une lenteur affectée vers les toilettes pour profiter de ma substantifique moelle tabagique sans agités du bocal officiels. C’est comme une révélation extatique : je rencontre nombre de philosophes pas du tout âpres aux discussions incongrues sur leur vie routinière, puérile et charmante entre deux taffs de fumées abhorrées. Dans ces émanations urétères, je sens la résurrection prochaine m’éclairer de sa céleste lumière athée… Je quitte ces lieux de transes sexistes et bornées pour rejoindre le flot des condamnés de la nuit. Voilà un rôle paradoxalement gratifiant et humiliant que celui de groupe de première partie de soirée. Personne ne bouge, certains écoutent, beaucoup continuent leur conversation, d’autres encore vont se resservir une verre, histoire de tuer le temps, avant que le temps ne les tue… Moi, j’écoute par décence ou par soûlerie avancée… Je suis calme comme une bombe!
Les minutes passent interminablement dans cet enfer immobile où l’Autre en est réduit à une ombre hagarde et sans vie. Je me dis que décidément je suis trop vieux pour ce genre de concert, que je ne comprends plus rien à ce nouvel état d’esprit et que l’on peut me remiser dans un placard. En effet, contrairement à cette jeune marée saumâtre, je n’ai envie que… de sauter, de crier, de pogoter, de bousculer, de pousser, de me faire mal, de faire des headbangings, d’exulter mon énergie, de délirer, de rire, de m’amuser… Mais rien ne se passe, de peur d’être trop décalé, d’être trop âgé… Voilà le véritable Enfer : paraître trop jeune du fait de son âge trop avancé. Dans ce huis-clos faussement sartrien, l'Enfer, c'est bien les autres...
Alors j’attends, calme comme une bombe à retardement…. Le roi de la nuit s’annonce enfin…
Une rumeur béate dans la salle m’encourage à ouvrir de façon béante le portail de ma sauvagerie intérieure. Dès l’apparition de l’Antéchrist superstar, les hurlements des loups serviles me portent dans un slam qui s’amplifie au fur et à mesure des instants éphémères qui m’entourent. Je me transforme en un Bugs Bunny rigolard sautillant dangereusement.
Quatre fausses blondes m’encadrent dans mon envol bruital. Je commence mon petit show en dénonçant de manière faussement puérile et véritablement provocatrice l’absurdité superflue de l’omniprésence commerciale des téléphones portables qui ont alors fait tout à coup leur apparition, en vociférant : « Détruisez ses putains d’insupportables portables ! Quelle obscénité !» " Que se passe-t-il ? Quel est cet homme de l’espace ?" ont dû se dire tous ces visages tragiquement hâves en se retournant vers moi !…
Ils n’ont encore rien vu !… Le pogo libérateur s’enclenche enfin. L’obscurité de la salle s’entremêle enfin avec les couleurs chatoyantes des coups de butoir des corps lancés dans l’air. Le maëlstrom traumatique se change en transe alcoolique et fuyante… Les chansons gutturales et gothiques s’enchaînent sur la scène dépouillée sans que je m’aperçoive de ce qui s’y passe. Je suis plongé dans un trauma libérateur. La mise en scène est minimale, voire minimaliste : I don’t care ; mon plaisir est maximal, plein, assouvi, inaltérable. A part deux interruptions surannées, je me complets dans ma danse incertaine et sautillante. L’une tient en substance (non illicite) en un « Qu’est-ce que tu prends pour être dans cet état ? – Uniquement de l’alcool, pourquoi ? » et un violent et hypocrite coup de pied dans les reins qui ne se prononce pas sur son auteur quand je me retourne de rechef.
La mise en scène du roi gothique Marylin Manson manque d’énergie et de spontanéité mais je m’en fiche. Nevermind !…. Je trouve un certain plaisir, voire un plaisir certain, dans les corps agglutinées et peureux de la fosse. Le tourbillon de ma folie éphémère et puérile est plein et jouissif. Je virevolte comme un papillon fou dans le crépuscule de sa vie estivale jusqu’à l’épuisement incertain des poussières colorées de ses ailes… Les chansons s’enchaînent les unes après les autres sans que j’en distingue la teneur profonde, tout à ma quête d’oubli alcoolique… L’impression première est pourtant mitigée : je croyais que les peines de cœur étaient porteuses d’inspirations évocatrices. Pauvre petit croque-mitaine Marylin Manson recroquevillé sur une chaise enfantine trop grande pour assumer son talent habituel, absent durant cette soirée …. Mais je m’en fiche, je me gorge pleinement de l’instant présent à jamais dissolu dans le passé incommensurable ! Oubli, oubli, oubli ! ! !
Le tour de scène prend fin enfin. Je sors, pas le moins dégrisé, l’alcool, frappant de plus belle mes tempes comme un marteau de forge. Les figures du carnaval faussement macabres s’éparpillent sur le béton de la ville. Je reste seul avec mes pensées clownesquement tristes. J’erre d’abord à pied entre vélibs lyonnais et terrains vagues de mes souvenirs , puis dangereusement au volant déséquilibré de mon automobile hypothétiquement meurtrière vers un but imparfaitement précis : le VIe arrondissement, Rue Brotteaux, Rue Anatole France… Terminus de mes égarements. Je suis là, debout, la pluie me dégoulinant sur le visage, devant l’imposante bâtisse de mon passé, devant le véritable prétexte de mon escapade musicale, devant ma plaie ouverte et béante. Je pleure subrepticement sur un mur lépreux pour mieux reprendre courage, peut-être pour mieux, bestialement parlant, conquérir un territoire à jamais perdu. Puis enfin sous les caméras outrageuses et grotesques de mon présent, j’exulte avec un retard inconsidéré ce message intime et unique d’amour et de désespérance que j’aurais dû exclamer quatorze ans plus tôt devant un portail de lycée restant désespérément fermé et hermétique.
Déchirement strident…
La personne à qui est destiné ce message purement puéril n’est pas là, n’est plus là depuis bien longtemps…
Story of a Girl… Nostalgia is my favorite song… Mon coeur a du mal à battre...
Let's roll, easy rider!
Doriane Purple
Dans cette Voie Lactée, les expos et les concerts sont les deux mamelles de La Laiterie. Ce vendredi-là, j'y avais rendez-vous pour faire mon beurre musical avec un Skywalker aux allures éclairées de noir désir : Luke.
Beaucoup d'énergies sur scène auxquelles répondait celle un peu vascillante de la fosse, amoindrie en partie par une longue semaine de maladie familiale... Au final, une petite salle à taille humaine qui rendait le contact avec une certaine catégorie d'hommes de l'espace assez chaleureux et intime, tout en permettant de pousser les bruitages rockailleux au fin fond de la nuit cosmique.
Le sombre bus spatial Star Dust de Luke est donc à suivre dans la constellation du rock français ! Attention cependant dans son doux périple de ne pas heurter quelques vaches extraterrestres...
Doriane Purple