Après m’être quasiment arraché la tête en ayant pratiqué le headbanging à outrance, après avoir pogoté furieusement, slamé en vol plané et planant, poussé avec sauvagerie, chuté violemment, sauté follement, virevolté rageusement, chahuté âprement, dans les concerts de Marilyn Manson, Iggy Pop, Prodigy, The Cure, Creed, Skunk Andansie, K’s Choice, Oasis, Noir Désir, Stereophonics, Placebo, Rammstein, Nine Inch Nails, Uncommonmenfrommars, Lofofora et autres Body Count, (sans Nirvana, raté en pensant avoir d’autres occasions, alors que Kurt Cobain, lui, ne se ratait pas, le 5 avril 1994, nauséeux de sa propre vie trop remplie et trop vide à la fois), me voilà à la trentaine passée revenir à mon éclectisme musical de jeunesse et à mes premiers amours musicaux adolescents. Mes vieilles cassettes audio TDK sentent un peu la poussière, mais le son est toujours là, crachotant, certes, mais toujours mélodieux, chaud et entraînant.
A l’adolescence, le modèle paternel déclinant et se retrouvant rapidement obsolète, l’horizon s’ouvre et le jeune homme timide et mal assuré que l’on peut être, se cherche de nouveaux pères spirituels et charismatiques. Pour moi, ce fut entre autres George Michael.
A la sortie de l’album "Listen without Prejudice Vol. 1" en 1990, je le découvris dans toute sa splendeur emblématique, coïncidant à cette époque avec son retour dans l’ombre dans tous les sens du terme. Pour un adolescent très complexé comme je le fus (mais qui ne l’a pas été ?), d’autant plus quand il s’intéresse à cette utopie si proche et si lointaine que sont les jeunes filles de son âge, George Michael représentait tout ce que je n’étais pas : beauté physique, hédonisme dilettante, humour intelligent, sens aigu du rythme et de la danse, goût esthétique, gloire précoce, look attractif, sens de la dérision, joie de vivre, vie facile, talent de composition musicale, sens impeccable de l’image... Malgré quelques informes griffonnages en anglais approximatif et quelques faux accords pincés sur les cordes d’une guitare sèche, je ne suis pas du tout devenu chanteur pour poupées de sucre comme je pouvais le croire à l’époque, mais d’une certaine manière, il a forgé l’homme que je suis devenu, bien plus peut-être que toutes autres références scientifiques ou littéraires.
Alors, quand je me penche vers la génération Star Ac’ ou vers la génération Boys Band un peu plus lointaine, même si mon sourire reste un peu cynique aux commissures de mes lèvres, je regarde les yeux de ces nouveaux gamins remplis d’espoir et d’étoiles illusoires avec considération et indulgence (même si cela me fait beaucoup rire de savoir que le nouveau chanteur d’INXS qui succéde au regretté Michael Hutchence a été choisi par le truchement de l’équivalent rock de la Star Ac’ aux Etats-Unis !). Mais Marilyn Manson n’a-t-il pas, lui non plus, commencé sa carrière dans un Boys Band nommé The Spooky Kids !?
Laissons là nos préjugés, nos vanités d’hommes désillusionnés plus ou moins mûrs et nos vérités toutes faites. " Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien. " dixit Socrate.
Et George Michael, parmi d’autres, a notablement souffert des préjugés de son temps…
Dès le début des années 90, après la sortie de l’album tristement prémonitoire "Listen without Prejudice Vol. 1", ne donnant plus d'interviews, ne faisant plus de clips, trop plein de l’image fausse qu’il doit donner de lui ou que les mass média lui affublent, il désire recentrer sa vie et se retire de la vie publique. La mort de la personne qui partage sa vie, le décès de sa mère, le procès perdu face à Sony ponctuent et tâchent de manière sombre et indélébile ces années-là.
Enfin, en avril 1998, George Michael est arrêté pour attentat à la pudeur par la police de Los Angeles. Trois jours après, sur CNN TV, il explique ce qui lui est arrivé et il fait son coming out (il annonce son homosexualité). Il y avait déjà eu des doutes, des rumeurs, des quolibets, des ricanements à son encontre... De cette affaire sort en octobre, "Outside", un immense tube mondial très cynique et humoristique sur ces récents déboires. Le sens de la dérision de George Michael l’emporte, tout au moins en apparence…
Mais est-ce là la démocratie que d’être piégé parce qu’on est célèbre et qu’on a des mœurs sexuelles considérées comme "déviantes" par la société dite bien pensante ? Est-ce là la liberté que de ne pas vivre pleinement sa vie en se cachant et en étant honteux du regard des autres ? Est-ce là la fraternité humaine que d’être traité de façon gratuite et ignominieuse de pédé, de tante, de tafiole, de sous-homme par de petits racistes inhumains ? Je ne le crois pas.
Suivant les divers aléas de la naissance ou de la vie, j’aurais pu être un homosexuel, j’aurais pu être une femme, j’aurais pu être un juif, j’aurais pu être un noir, j’aurai pu être un gitan, j’aurais pu être un handicapé, j’aurais pu être un clochard. J’aurais pu donc être humilié, insulté, battu, emprisonné, violé, pendu, torturé, lapidé, brûlé ou encore gazé dans les camps d’extermination nazis pour tous ces prétextes fallacieux et pour une seule et unique raison, le racisme. Vous aussi, vous auriez pu être victimes de toutes ces atrocités par le simple fait de votre "différence" !
Cependant, je ne suis pas tous ceux-là, mais je me revendique tout cela en même temps, car j’appartiens simplement à la même race que toutes ces victimes de l’ostracisme barbare : j’appartiens au genre humain. Cependant, parfois, je glisse vers une certaine misanthropie paradoxale qui me hante violemment en voyant certains de mes dits semblables : je me dis que j’irai cracher sur leur tombe et en attendant, je lève mon poing rageur, un majeur démonstratif bien en évidence pour leur montrer qu’ils restent mineurs et faibles dans notre monde des vivants.
Mais je m’égare… Je ne me revendique d’aucune politique sinon de celle qui fait preuve d’humanité d’une Simone Veil ou d’un Raymond Forni.
C’est pourquoi, moi, l’hétéro revendiqué, le tatoué, le graisseux, le métalleux, le grungy, le punk, j’en reviens donc à mon éclectisme d’antan qui est l’un des bases de mon ouverture sur le monde et à autrui et j’irai applaudir cet homme si humain par ses douleurs et si divin par son talent. Je ne serai plus le pogoteur fou d’ivresse alcoolique et bruitale, je ne serai plus qu’une midinette criant frénétiquement son nom dans un tsunami d’appels hystériques dans un stade survolté plein à craquer et levant comme un seul homme ses milliers de mains au ciel pour atteindre cet ange symptomatique…Mais je rêve un peu ; je n’ai plus seize ans et lui ne sautille plus sur les titres de son album "Faith". Cependant, contrairement à Nirvana ou à INXS, je l’aurai vu sur scène au moins une fois, même si c’est près d’une décennie et demie après mon adolescence, quand l’orgie fanatique de la jeunesse est presque morte. Il faut se donner les moyens de rêver et il faut se donner les moyens de réaliser ses idéaux, quel que soit l’aspect dérisoire de ses visions oniriques et quel que soit le prix à payer. Les remords restent, sinon, trop profonds durant le reste de notre infime vie. Aussi je sais que je crierai avec la ferveur et l’ardeur retrouvées de ma naïve et fraîche jeunesse passée : " George Michael ! ! ! ! ! " Je ferai là mon coming out musical !
Listen without prejudice… (Ecoutez sans préjugé)
Pas l’ombre d’un doute…
Etre rasé comme une biscotte: syn.: avoir une barbe de trois jours à la George Michael (IAM, Harley Davidson, in Ombre est lumière - 1993)
PS : Quand je suis allé chercher mon ticket dans le point de vente, la jeune femme du guichet m’a dit : " Ah ! Il n’y a plus de places assises, mais uniquement des places debout dans la fosse. Cela vous va ? "
Je n’ai pu m’empêcher de doucement esquisser un sourire … aux commissures de mes babines révélant mes crocs luisants et fous de lycanthrope gothique affamé ! "Chasser le naturel, il revient au galop" dixit le vieil adage !
Doriane Purple